"Je n'ai pas vécu la liberté, mais je l'ai écrite sur les murs" (la révolution syrienne)

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Chroniques du déni - page 2

Pour montrer à quel point le déni des problèmes existants et de leurs conséquences réelles est un mode de fonctionnement de nos sociétés

Lettre à Franck Lepage

in Chroniques du déni/Traces by

Cher Franck Lepage, Comme beaucoup de mes collègues animateurs socio-culturels je t’ai admiré. Comme beaucoup de mes collègues j’ai aimé que tu popularises la notion d’éducation populaire. J’ai aimé que tu racontes son histoire en plantant des tomates. J’ai aimé comme tout le monde le clou d’inculture 1 quand tu jouais avec les mots autour de la notion de projet. Bon j’avais bien quelques réserves sur ton spectacle, notamment quand tu parles de théâtre, quand tu parles du festival d’Avignon, quand avec connivence tu regardes le public en disant « Ce n’est pas Jean Vilard qui à créé le festival d’Avignon mais cela on ne vous l’a pas dit ». Or quiconque a déjà ouvert un livre sur l’histoire du festival d’Avignon sait qu’il s’appelait au départ « Une semaine d’art » et que c’est Christian Zervos et le poète René Char  qui sont à l’initiative de cette action. Je trouvais qu’il y avait quand même aussi un écart entre ce que tu disais sur les médiateurs culturels qui « balançaient sur les jeunes de l’art contemporain » et  ce qu’il se passait réellement dans les séjours des Céméa au festival d’Avignon qui faisaient parfaitement le pont entre l’éducation populaire et la culture souvent perçue comme élitiste. Je voyais mes ami.e .s animer ces séjours et je me rendais bien compte qu’ils ne balançaient pas de la culture sur les jeunes, mais qu’ils construisaient ces séjours ensemble, de manière bien moins descendantes que tes conférences gesticulées et que les animateurs construisaient avec les jeunes un parcours théâtral…

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Variations en jaune et brun autour de François Ruffin

in Chroniques du déni by

Les récentes déclarations de François Ruffin ont déclenché une petite vague de colère étonnée à gauche. L’homme qui incarnait la version libertaire, jeune, mouvementiste de la FI a brusquement tenu des propos dignes d’un Djordje Kuzmanovic, parti du mouvement justement parce qu’il ne le trouvait pas assez nationaliste. Or aujourd’hui ce nationalisme, frileux et assumé à la fois, est donc repris par celui qui est resté, et à qui beaucoup de gens accordaient une sensibilité de gauche plus grande que celle de Mélenchon. C’est cependant une illusion de longue date. Ruffin est depuis un bout de temps l’incarnation la plus médiatique d’une mouvance beaucoup plus large, qui entend bien profiter de la présidentielle et de la visibilité de la FI pour continuer à imposer une ligne anti-système. Il n’y a pas que Ruffin, il n’y a jamais que Ruffin. Ce qu’il représente est une mouvance qui fonctionne depuis des années avec la même logique:  on va convaincre les gens non pas sur de la politique ou des idées de gauche mais en se ralliant à toutes les idées anti-système qui sont à la mode et cela peut aller du tirage au sort version Etienne Chouard, jusqu’à des prises de position anti-vaccins. Exprimé par Ruffin en ces termes “Le code du travail c’est très technique il faut attaquer Macron sur des trucs à la cons genre les vaccins”. Cette phrase date de 2017, et il faut donc reconnaître une grande capacité d’anticipation au leader insoumis: pour s’en convaincre, on peut relire…

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A Montpellier, l’antisémitisme décomplexé applaudi par la foule

in Antisémitisme/Chroniques du déni by

Ce samedi 21 novembre se tenaient partout en France des manifestations en opposition à la loi sur la “sécurité globale”, dont notamment son article 24, rendant passible de poursuites le fait de filmer les forces de l’ordre. A Montpellier, plus de 1500 manifestants se sont rassemblés contre cette nouvelle atteinte grave aux libertés. Au milieu des slogans et pancartes dénonçant la dérive autoritaire gouvernementale, une pancarte géante « Non à l’israélisation de la France ». D’après le groupe « BDS 34 Montpellier », qui arborait fièrement cette pancarte, la France serait donc menacée par l’infiltration secrète d’un petit groupe. En tout cas, c’est clairement le sous-entendu affiché ici. Celui d’une politique venue de l’étranger et non d’un raidissement autoritaire tout simplement français. Comme à l’accoutumée les sophistes de l’antisémitisme de gauche nous expliqueront que nous réagirions différemment s’il s’agissait d’une référence à un autre pays. Mais si c’était le cas, par exemple, si l’on comparait la politique de Poutine ou de Trump et la situation française actuelle, ce ne serait pas le mot ” russification” mais le mot “poutinisation” qui serait employé. Tout simplement parce que le complotisme est dans l’ADN de l’antisémitisme, et que dans ce cas précis, l’idée d’une “influence extérieure” est bien autre chose que celle de comparaisons entre des politiques sécuritaires communes à bien des dirigeants politiques. Cette référence directe aux slogans antisémites de l’entre-deux guerres s’est non seulement affichée en tête de manifestation, mais aussi à une place prépondérante lors des prises de paroles. Pire,…

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Souverainisme gazeux sentant la mauvaise gauche

in Chroniques du déni by

Donc une nouvelle revue “de gauche” entend disputer à Onfray le retour de la Nation. Dernier né d’une demi douzaine de revues, think-tanks, instituts et autres machins souverainistes montés par “Le Vent Se Lève”, la Revue Germinal vient de sortir son premier numéro sur “le retour de la Nation”. A force de revenir on pensait que la Nation était déjà bien arrivé mais apparemment non, ce retour là devra, les concepteurs du projet l’espèrent, assurer enfin l’hégémonie culturelle du souverainisme à gauche. Le problème fondamental de jouer le retour de la Nation pour contrer les méfaits mondialisation est que ce jeu va inévitablement devoir recycler les grands classiques du thème, et se fixer sur des figures classiques incarnant à la fois les exclus de la Nation et les responsables de la mondialisation. Puis, car l’antisémitisme a moins bonne presse que l’islamophobie, ce petit jeu de la Nation contre la Mondialisation va avancer sur deux jambes, une islamophobe ouverte (on sait bien qui détruit la Nation) et un antisémitisme couvert (on sait bien qui finance cette destruction). Autrement dit et en termes plus crus (par le ministre de l’Intérieur en personne): la Nation républicaine doit se défendre contre les communautarismes Hallal et Cacher entretenus par le capitalisme mondial, jusque dans les rayons de supermarché. C’est ce phénomène précisément qu’on a vu à l’œuvre, lors de la fondation du mouvement de Kuzmanovic, qu’on a observé à la France Insoumise, au Printemps Républicain, chez Onfray, ou dans tout mouvement de gauche, ou prétendument…

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La métapolitique de Martin Heidegger et l’extrême-droite internationale

in Chroniques de la violence brune/Chroniques du déni by

Note de la rédaction: dans les milieux militants de gauche, l’œuvre de Heidegger est au cœur d’un paradoxe intéressant. Totalement ou partiellement incompréhensible pour le non-sachant en philosophie à cause de son langage et de son vocabulaire sciemment élitiste et hermétique, elle est aussi l’objet d’une grande révérence de la part de factions intellectuelles et politiques. Qui, tout en étant bien obligées d’admettre le passé nazi de Heidegger, prétendent qu’il est impossible de s’en passer pour comprendre le monde tel qu’il est, et qu’il est “impossible ” de la résumer à des sympathies nazies, au fond non essentielles. Bref, peu d’entre nous peuvent lire Heidegger, mais nous devrions tous accepter qu’un nazi compte au nombre de nos références subversives. Nous sommes donc heureux de publier ce texte de François Rastier, qui a récemment publié deux ouvrages sur le philosophe et qui a pour spécificité, et depuis très longtemps, de l’analyser clairement pour ce qu’il est : un philosophe nazi dont l’œuvre promeut cette conception du monde. Raison pour laquelle le camp qui ne peut s’en passer aujourd’hui est très logiquement celui des néo-nazis et au delà des extrême-droites racistes et antisémites comme le démontre ce texte, qui aborde notamment un évènement essentiel pour démonter les discours sur Heidegger, présenté bien souvent comme théoricien mais pas activisme du nazisme. Or son rectorat a été un grand moment de pratique: il est allé plus loin que les nazis le demandaient. Il a participé ensuite à une commission de réflexion sur les lois…

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Joël Giraud et le conspirationnisme: qui se cache derrière les chemtrails ?

in Chroniques du déni by

Le secrétaire d’Etat à la ruralité , Joël Giraud est donc un politique qui n’a pas hésité à promouvoir une théorie conspirationniste à l’Assemblée Nationale, en se servant des questions écrites au gouvernement. La chose a suscité quelques articles, qui ont un petit défaut: en limitant le sujet aux “chemtrails”, elles donnent l’impression que l’on est face à un député un peu farfelu, pas très sérieux mais quand même inoffensif. Les élucubrations sur les chemtrails sont en effet très répandues et nous avons tous un pote de barbecue qui, il y a quinze ans, voyait des OVNIS dans le ciel et y voit maintenant de mystérieux épandages faits par des puissances obscures. Ca ne va pas bien loin, et c’est un peu ridicule. Sauf qu’on ne parle pas d’un pote de barbecue mais d’un membre du gouvernement français. Qui n’est pas un “bleu” en politique, pas un de ces députés LREM sortis de nulle part. Joël Giraud est député depuis 2002, rapporteur du budget depuis 2017 . Il a également été vice-président de conseil régional et maire. Un homme politique expérimenté et influent, donc. Cela vaut donc la peine d’aller un peu plus loin que simplement tourner en ridicule une question en apparence lunaire . Pour qui connaît un peu les méthodes des mouvances conspirationnistes et néo-fascistes, il est habituel que des théories en apparence plutôt inoffensives soient juste un sas d’entrée vers des choses beaucoup plus politiques. Reprenons donc la question écrite exacte , disponible sur le site de…

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Au bonheur des négationnistes (retour sur les pratiques du champ littéraire), troisième partie

in Antisémitisme/Chroniques du déni by

Première partie ici Deuxième partie ici   Au bonheur des négationnistes (retour sur les pratiques du champ littéraire)   Troisième partie La critique littéraire contre le « réalisme historien » : le déni du document littéraire Évidemment, Nichanian ne peut tout de même pas faire comme s’il ignorait que le génocide nazi est amplement documenté. Mais c’est ici qu’intervient l’argumentaire antiréférentiel de White, appliqué spécialement aux écrits dans lesquels des victimes ont entrepris de témoigner. Pour le spécialiste des littératures arméniennes du XXe siècle, la question du « statut du témoignage » est en effet au cœur du débat suscité par les travaux de White, comme l’atteste au demeurant le fait que Carlo Ginzburg ait « construit sa critique dévastatrice de la position » de White « autour d’une idée indestructible du témoignage »[1]. L’enjeu est alors d’opposer à Ginzburg une conception du témoignage qualifiée de « moderne » – et prêtée à Renato Serra malgré l’auteur de « Just One Witness » – selon laquelle il « cess[e] d’être un document pour l’histoire et prév[aut] pour lui-même en tant que fait »[2]. C’est à cette conception autonomiste du témoignage que la critique littéraire contemporaine est sensible au premier chef. Mais ce qui est intéressant à observer à travers cette étude de cas, c’est le rapport de nécessité entre cette conception autonomiste et la métaphysique idéaliste d’après Auschwitz que j’ai exposée dans la partie précédente. Il est entendu que « [l]e relativisme permet de ne se trouver nulle part au moment même où l’on prétend être équitablement partout », dans « un refus d’assumer la responsabilité d’une enquête critique »[3].…

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Au bonheur des négationnistes (retour sur les pratiques du champ littéraire), deuxième partie

in Antisémitisme/Chroniques du déni by

Voici la deuxième partie du travail de Frédérik Detue, en approfondissement de son intervention à nos journées sur le négationnisme. La première partie se trouve ici. Au bonheur des négationnistes (retour sur les pratiques du champ littéraire)   Deuxième partie Défense du sublime historique génocidaire : Marc Nichanian avocat de Hayden White Le point nodal du « scepticisme absolu » de White est le rejet par principe de la notion de preuve, comme si elle n’avait aucune pertinence pour qualifier la tâche des historien·nes. Comme si ladite notion de preuve – comme d’ailleurs celle de vérité (à toujours manier avec des guillemets !1) – appartenait de facto à un régime de croyance que seule une forme de naïveté positiviste pourrait continuer d’ignorer en tant que tel. C’est pourquoi ce scepticisme passe par une réfutation de l’archive, dont on ne pourrait jamais rien conclure de façon définitive. Or, malgré les objections sérieuses qui lui ont été faites et dont je viens de donner un aperçu, ce positionnement théorique de White, qui lui a valu avant sa retraite d’occuper une chaire de littérature comparée à l’Université de Stanford, constitue une doxa aujourd’hui dans le champ des études littéraires. La plupart du temps, on ne se réclame certes pas de l’auteur, en particulier en France où ses écrits demeurent relativement méconnus2. Mais, quand il est arrivé que l’on revienne sur le débat qui a opposé Carlo Ginzburg à White, l’enjeu a été pour l’essentiel d’invalider la critique de Ginzburg. Spécialement, celui-ci avait le tort de soutenir contre…

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Sortir à tout prix, qui paye ?

in Chroniques du déni by

18 avril 2020 Allez, viens, on sort, on se voit, de toutes façon, c’est fini le confinement, ça ne sert à rien de rester enfermé comme ça, ça rend tout triste, allez on s’en fout des vieux, des fragiles, on s’en fout comme on s’en foutait avant quand on se foutait de tout, allez, t’inquiète pas, de toutes façons faut bien mourir un jour. Allez… Qu’est-ce que tu fais ? Pourquoi tu ne veux pas ? Pourquoi tu restes chez toi tout le temps ? Regarde-les, le monde est dehors, le 11 mai c’est le jour officiel de la fin du confinement, le point final, toutes les écoles seront ouvertes, la preuve. Quoi ? Tu attends quoi encore ? Tu as peur ? vraiment ? Mais enfin, qu’est-ce qui te prend ? Il faut se ressaisir, je t’assure, nous avons eu une faiblesse passagère, je ne sais pas ce qui nous a pris, une folie, une hystérie collective, soudain nous avons mis en pratique nos discours, grave erreur. Nous nous alarmions de l’indifférence, de la cruauté, de l’individualisme, nous faisions des pétitions, des manifestations, mais c’était pas sérieux, c’était une mascarade enfin, il ne fallait pas le croire. C’était pour pleurer un peu, parfois, c’était hygiénique ces larmes là, pas plus. Je ne sais pas ce qui nous a pris, une sorte de tsunami humanitaire, une force incontrôlable, un besoin irrépressible de protéger nos anciens. Pourquoi ? je n’en sais rien, vraiment. Peut-être que si les chinois les avaient laissé…

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Au bonheur des négationnistes (retour sur les pratiques du champ littéraire)

in Chroniques du déni by

Ce texte constitue la première partie de l’intervention de Frédérik Detue, lors de nos journées sur le négationnisme de gauche.   Au bonheur des négationnistes (retour sur les pratiques du champ littéraire) À Charlotte Lacoste Première partie Contre les historien·nes, le parti pris littéraire des négationnistes Dans sa première édition en 1950, Le Mensonge d’Ulysse de Paul Rassinier se présente dans son sous-titre comme un « Regard sur la littérature concentrationnaire » et donc comme de la critique littéraire1. En préface, l’auteur, qui se fonde sur son autorité de rescapé, reçoit en outre la caution d’Albert Paraz, qui est un écrivain ami et ardent défenseur de Louis-Ferdinand Céline, édité grâce à celui-ci aux éditions Denoël avant et pendant la guerre. Maurice Bardèche, qui, dans ses pamphlets de 1948 et 19502, interprète littéralement la langue administrative nazie quand elle camoufle l’extermination des Juives et des Juifs, est aussi censé être un lecteur expert. Durant les années de guerre, il a fait carrière à l’université en conquérant « un statut, celui de premier spécialiste de l’œuvre de Balzac », puis il publie, de 1946 à 1951, « sa » Comédie humaine3. Quant à Robert Faurisson, la thèse de littérature qu’il a soutenue sur Lautréamont en 1972 lui vaut d’être publié la même année dans la collection « Les Essais » chez Gallimard aux côtés de Beauvoir, de Sartre et de Camus4. Dès l’année suivante, l’auteur, un célinien passionné qui a cherché à « faire signer à divers collègues [universitaires parisiens] une pétition pour que soit autorisée la réédition des écrits antisémites…

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