"Je n'ai pas vécu la liberté, mais je l'ai écrite sur les murs" (la révolution syrienne)

Même pas une minute de respect: bilan du macronisme scolaire

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Ce n’était donc qu’un piège.

Lundi, dernière semaine de cette période, nous avons fait une minute de silence avec les élèves. Pour nos collègues Dominique Bernard, Samuel Paty, lâchement assassinés. Et pour les collègues blessés à Arras, un agent d’accueil et un professeur d’EPS.

C’était la sixième que je vivais, un rituel récurrent, qui est toujours une épreuve pour moi. Que dire ou ne pas dire ? Comment me positionner, dépasser ma stupéfaction, mes émotions face aux élèves ? A chaque fois c’est beaucoup d’appréhension, je n’ai pas le temps de me recueillir, de comprendre l’évènement qui se passe que déjà l’État m’impose cette épreuve. Tandis que j’encaisse la nouvelle le weekend, déjà une part de moi doit anticiper ce moment.
Cette fois-ci nos syndicats unanimes ont réussi à arracher un temps de collectif au Ministère. Ce n’était pas gagné. Enfin deux heures pour le secondaire, renvoyant nos collègues du primaire à leur temps de pause pour se préparer, simplement échanger, se soutenir.
Au collège, nous avons bien organisé ça je crois. Une direction bienveillante, des échanges, de l’entraide, je pense que nous avons dans l’ensemble pu accueillir les élèves plus serein-e-s, moins anxieux.

Nous avons décidé d’expliquer aux élèves dès la première heure. J’ai fait ce temps avec une collègue et des petits sixièmes, qui pour certain-e-s en savaient beaucoup. Au fil de la discussion sont remontés leurs témoignages de violence dans le quartier, d’expériences d’intrusions dans l’école, de témoignages de la violence quotidienne. Nous avons expliqué le sens de recueillement, parlé des rituels collectifs autour de la mort, différents et si semblables, qui permettent aux vivant-e-s de survivre au décès d’un être cher.
En mettant en commun, nous avons constaté, la réceptivité et le goût des échanges des 6e 5e, plus d’indifférence bravache chez les 4e 3e. Rien d’étonnant, rien de choquant. Il y a un âge où son se sent grand-e en adoptant une posture de vieux cynique revenu de tout, ça passe, le plus souvent.
Nous avons aussi constaté comme toujours, l’exposition massive de nos jeunes aux images violentes, crues, de faits divers, de violence réelle, pas celle des films ou des jeux, celle de la vraie vie et de la vraie mort filmées en direct. Et des yeux lassés, des esprits mithridatisés à la douleur de l’autre.

Nous avions réussi, encore une fois, à transformer le moment, exposer nos émotions, mettre des mots, écouter et parler, écouter avant de parler, obtenir de l’écoute. Nous avions des projets éducatifs qui naissaient autour de ces images. Une fois de plus, nous pouvions faire quelque chose, que nous savions faire, de là où nous étions. Pas des remparts de la République, modestement des gens de l’Éducation.
Modeste, mais réel comme le rassemblement le soir même place de la République pour l’hommage aux deux collègues assassinés, à ceux encore meurtris.

Mais de toute évidence, ce n’est pas cela le but. Ces minutes de silence ne sont pas des moments à transformer en Éducation. Ce ne sont plus que des pièges, pour élèves “perturbateurs”. Il n’y a plus nul confiance en notre capacité à enseigner, éduquer, faire grandir.
Que l’on signale et ça ira bien. Et le Ministre lancera des chiffres d’élèves qui seront exclus aux médias.
Et si les conseils de discipline veulent réfléchir, qu’ils veulent prendre en compte l’élève, le jeune homme, la jeune femme dans sa globalité, qu’importe, le DASEN (chef départemental) prendra les commandes.
Grâce à un petit alinéa ajouté cette été dans le décret sur le harcèlement scolaire.

Ça aussi ce n’était qu’un subterfuge, un habillage pour passer une ligne sur les conseils de disciplines présidés par les DASEN dans les cas d’atteinte aux valeurs de la République. 2 semaines avant la rentrée sous le signe de l’interdiction des abayas et des qamis. On l’avait vu venir pendant la tempête islamophobe de la rentrée.

Héroïser quelques jours les profs quand ils meurent, au milieu de 6 ans d’insultes et d’humiliations, transformer le recueillement en piège pour nos élèves, instrumentaliser la lutte contre le harcèlement scolaire, voilà le bilan du macronisme scolaire.

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