Deux jours dehors

Il s’est mis à pleuvoir assez tôt sur le cortège. Les promesses de beau temps et de lendemain qui chantent m’ont paru loin, loin derrière les nuages et le froid dans les chaussures. L’eau dans les pompes et les mains glacées, la buée hors la bouche, la voix à la sono qui déraille, la foule qui piétine… Embrouille da ns l’ordre des camions, militants absents, fatigués, on s’est demandé ce qu’il se passait. Quelques blagues sur Véran qui avait prédit une sécheresse, au lieu de quoi on se mangeait un déluge. Pas un 8 mars comme on l’attendait. Faut dire qu’après la journée d’hier, la moitié des militants de France devait être groggy. Des centaines de milliers de personne, des millions à travers le pays, tous ces gens avaient défilé un jour de grève. “Le 7 on bloque tout”, “on va les plier”, tout ça. La foule avait été joyeuse, sans fin, comme à chaque manif’ depuis le début du mouvement. Des slogans marrants, des cheveux gris, des lycéens, les syndicats, quelques totos, les lacrymo évidemment, les chants et les pompiers, la totale. Hier c’était l’histoire qu’on écrivait, mais aujourd’hui je me suis demandé. Paraît que l’intersyndicale n’a pas appelé à la manifestation et pourtant ici et là des pancartes et des mots d’ordre pour les retraites. La pluie fait couler l’encre des slogans et clapote sur les sonos, emmitouflées dans des sacs plastiques et du ruban adhésif. La pluie sur les voitures, sur la chaussée, la pluie dans les…