Missak au Temple des Âmes Vides.
Quand j’erre dans les rues d’une métropole, Toutes les misères, tous les dénuements Lamentation et révolte l’une à l’autre. Mes yeux les rassemblent, mon âme les loge Je les mêle ainsi à ma souffrance intime Préparant avec les poisons de la haine, Un âcre sérum-cet autre sang qui coule, Par tous les vaisseaux de ma chair de mon âme. La dernière fois que je me suis récité ce poème de Missak, qui est un camarade, alors je l’appelle par son prénom, c’était le jour de l’enterrement de Nahel. Comme nos frères sont tous de dangereux barbares, même le jour de leurs funérailles, on met la ville sous cloche, comme si elle retenait son souffle devant nos fureurs incompréhensibles, comme si même les larmes pour les morts étaient des fleuves d’acide. Il n’y avait plus de bus à Nanterre, il fallait marcher de la Défense jusqu’au cimetière, de longues côtes interminables et ces pancartes qui indiquaient le Mont Valérien. Et l’ombre de Missak avec soi pour accompagner celle de Nahel. Missak, immigré rageur au visage taillé à la serpe, que les Français trouvent beau seulement maintenant. Il avait une tête de basané, Missak, pourtant. En ce temps-là, ça valait bien une barbe, cette tête-là. Dans les années 30, les gens convenables devaient frissonner devant son regard noir sous des sourcils épais lorsqu’il errait les poings serrés en rédigeant intérieurement des tracts incendiaires. Ce sont ces mêmes honnêtes gens qui se presseront au Panthéon cette semaine pour le caresser comme un…