"Je n'ai pas vécu la liberté, mais je l'ai écrite sur les murs" (la révolution syrienne)

La métapolitique de Martin Heidegger et l’extrême-droite internationale

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Note de la rédaction: dans les milieux militants de gauche, l’œuvre de Heidegger est au cœur d’un paradoxe intéressant. Totalement ou partiellement incompréhensible pour le non-sachant en philosophie à cause de son langage et de son vocabulaire sciemment élitiste et hermétique, elle est aussi l’objet d’une grande révérence de la part de factions intellectuelles et politiques. Qui, tout en étant bien obligées d’admettre le passé nazi de Heidegger, prétendent qu’il est impossible de s’en passer pour comprendre le monde tel qu’il est, et qu’il est “impossible ” de la résumer à des sympathies nazies, au fond non essentielles. Bref, peu d’entre nous peuvent lire Heidegger, mais nous devrions tous accepter qu’un nazi compte au nombre de nos références subversives.

Nous sommes donc heureux de publier ce texte de François Rastier, qui a récemment publié deux ouvrages sur le philosophe et qui a pour spécificité, et depuis très longtemps, de l’analyser clairement pour ce qu’il est : un philosophe nazi dont l’œuvre promeut cette conception du monde. Raison pour laquelle le camp qui ne peut s’en passer aujourd’hui est très logiquement celui des néo-nazis et au delà des extrême-droites racistes et antisémites comme le démontre ce texte, qui aborde notamment un évènement essentiel pour démonter les discours sur Heidegger, présenté bien souvent comme théoricien mais pas activisme du nazisme. Or son rectorat a été un grand moment de pratique: il est allé plus loin que les nazis le demandaient. Il a participé ensuite à une commission de réflexion sur les lois raciales, aux côtés de futurs responsables de l’extermination, comme Hans Frank.

Contrairement aux historiens de la Shoah, mais à l’instar d’autres auteurs comme Wildenauer, Faye, Kellerer, Quesada, etc. François Rastier accorde une importance pratique à cette commission. C’est à lui de le démontrer, étant militants, nous ne pouvons que faire confiance aux spécialistes de la Shoah.

Cependant, si l’importance de la commission pour la philosophie du droit dans l’élaboration des lois nazies n’est pas établie, et que le débat scientifique continue, cela n’enlève rien à son importance historique en ce qui concerne Heidegger, car cela démontre qu’il n’était nullement dégagé des contingences concrètes de la politique nazie, mais un homme qui souhaitait s’engager activement dans la persécution des Juifs.

François Rastier a récemment publié Exterminations et littérature. Les témoignages inconcevables (Paris, PUF).

La métapolitique de Martin Heidegger et l’extrême-droite internationale

On ne présente plus Martin Heidegger, toujours considéré comme « le plus grand philosophe du XXe siècle ». Si son adhésion au nazisme est bien documentée, l’étendue de sa compromission intellectuelle reste sous-estimée, comme a fortiori son projet d’introduire le nazisme dans la philosophie dans l’intention de la détruire. Le livre d’Emmanuel Faye, Heidegger. L’introduction du nazisme dans la philosophie (Paris, Albin Michel, 2005) a suscité bien des controverses ; mais, à partir de 2014, la publication des premiers tomes des Cahiers noirs a conduit à justifier ses conclusions. Depuis, le contraste s’accentue entre la réception de Heidegger dans la philosophie universitaire, notamment en France, et l’enthousiasme pour cet auteur qui s’étend parmi les idéologues de l’extrême-droite internationale.

La réception dans les droites extrêmes

Dans le premier tome des Cahiers noirs, Heidegger se réclame de la métapolitique qui selon lui doit remplacer la philosophie (Gesamtausgabe, t. 94, 2014, p. 115) (1). Si la métapolitique séduit largement, c’est qu’elle subordonne la politique à un mythe ou à une théologie (la théologie politique) qui transcende les contingences historiques. Qu’il soit nationaliste, ethnique ou racial, l’irruption de ce mythe dans l’histoire s’accomplit dans un bain de sang, comme l’a souligné en 1945 Ernst Cassirer dans Le mythe de l’État. Par exemple, le Plan général pour l’Est (Generalplan Ost), affirmait que les Allemands de souche avaient été remplacés par les Juifs et les Slaves, et qu’il fallait donc exterminer les Juifs, déporter les Slaves et établir à nouveau des colons allemands dans les territoires ainsi libérés, de la Baltique à la Crimée.

La purification raciale fut d’abord le but explicite des Lois de Nuremberg promulguées en 1935, élaborées sous la responsabilité d’une commission pour la philosophie du droit, dirigée par Hans Frank (qui mérita ensuite le surnom de « bourreau de la Pologne ») et dont Heidegger fut membre dès sa création, quelques jours après sa démission du rectorat (2). Pour protéger le peuple allemand et sa « santé héréditaire », les nazis justifiaient les massacres par la nécessité d’un eugénisme actif, tant racial que culturel, tant biologique que spirituel. En effet, selon eux, l’identité d’un peuple peut être détruite par son adultération génétique comme par une invasion qui le prive du territoire où il est enraciné. L’image horrifique de l’étranger violeur synthétise encore ces deux périls.

Ébranlé par la parution des premiers Cahiers noirs, Günter Figal a démissionné de ses fonctions de président de la société Martin Heidegger (Heidegger-Gesellschaft). Son successeur, Harald Seubert, spécialiste de l’analyse du discours, est surtout connu pour ses activités militantes à l’extrême droite : il a présidé un centre d’études fondé par un ex-nazi, le « Studienzentrum Weikerheims », qui lutte contre le « grand remplacement » des Allemands de souche par les immigrés. Il collabore à des revues comme Junge Freiheit et Sezession(3), harangue la Deutsche Burschenschaft de Nuremberg ou publie Barbara Rosenkranz, cadre du FPÖ surnommée « la mère du Reich » (« die Reichsmutter ») et organisatrice de mémorables fêtes du solstice.

Bien que cela semble échapper au débat universitaire, divers courants de la « nouvelle droite » internationale regardent avec faveur la publication des Cahiers noirs : c’est le cas du site Metapo Infos en France, qui se félicitait de l’étrange petit livre de Christian Sommer sur le Discours de rectorat ; de la revue Zuerst en Allemagne (4); en Italie du quotidien Il Giornale, qui reprend les thèses dénégatrices de Hermann Heidegger — et offrait récemment à ses lecteurs Mein Kampf en supplément publicitaire. Il ne s’agit pas que d’opinions journalistiques ; par exemple, Udo Pastörs, leader du Parti national-démocrate d’Allemagne (NPD), héritier « moral » et politique du parti nazi, reformule à présent les thèses banalisées dont j’avais développé la version heideggérienne, selon laquelle les Juifs seraient à la fois « victimes et acteurs » de leur propre extermination (5). En outre, il ajoute « Il n’y a plus de culture allemande, avec la globalisation américaine. […] Tout est culture. On ne fait plus la différence entre civilisation et culture. » (6). Rien d’étonnant si le Parti National-démocrate d’Allemagne reprend comme slogan d’une de ses affiches la dernière phrase du Discours de rectorat, qui appelait à la militarisation spirituelle de l’Université : « Alles Grosse steht in Sturm » [« Toute grandeur se dresse dans la tempête »] (7).

Ce propos est partagé par une des vedettes de la nouvelle extrême droite internationale, Alexandre Douguine, qui s’appuie principalement sur Heidegger, comme en témoigne son ouvrage Martin Heidegger : The Philosophy of Another Beginning(8). Naguère cofondateur du Parti national-bolchevik (nazbol) (9), Douguine théorise le néo-eurasisme. D’abord inspiré par Carl Schmitt, Ernst Niekisch et Julius Evola, il a publié récemment un ouvrage où il reconnaît Heidegger comme seul maître à penser pour fonder une nouvelle philosophie ultranationaliste (10). Conseiller auprès de la présidence de la Douma, il anime depuis 2001 le mouvement « Eurasia » qui milite pour un empire eurasien, c’est-à-dire une Europe dominée par la Russie, de Dublin à Vladivostok. Douguine est bien accueilli par les heideggériens allemands, ce dont témoigne notamment son dialogue consensuel avec Friedrich Wilhelm von Herrmann, dernier disciple et assistant du Maître et principal éditeur de son œuvre « complète » (11). L’extrême droite allemande félicite Douguine de vouloir « lier les formes les plus radicales de la résistance nationale aux formes les plus radicales de la résistance sociale » (12).

En France aussi, Heidegger est invoqué par les « résistants ». Par protestation identitaire, le cadre d’extrême droite Dominique Venner se suicida en 2013 à Notre-Dame de Paris, en éclairant son geste par un texte testamentaire, « La manif du 26 mai [contre le mariage gay] et Heidegger ». Radio Courtoisie diffusa le lendemain une lettre où il écrivait : « je m’insurge aussi contre le crime visant au remplacement de nos populations ». Peu après, Marine Le Pen, rendait ainsi hommage à ce militant : « Respect à Dominique Venner, dont le dernier geste, éminemment politique, aura été de tenter de réveiller le peuple français ». (13)

Le grand remplacement

Renaud Camus, connu pour avoir formulé ou reformulé la théorie xénophobe du grand remplacement, proclame : « Finalement, il n’est pas si mal qu’Heidegger soit indéfendable. Ça le protège. Il trouve le moyen d’être à la fois formidable, colossal, majestueux comme un Walhalla, et que n’importe quel roquet de talk show puisse pisser sur lui aux applaudissements de la claque » (14). Les chiens aboient, la caravane germanique passe.

Pour les identitaires, le mythe nazi demeure une source d’inspiration, revendiquée plus ou moins ouvertement selon les publics et les situations. En 1983, le groupe néonazi The Order forgea le slogan des « 14 mots », adapté ainsi en français : « Nous devons assurer l’existence de notre race et un futur pour les enfants blancs », slogan repris notamment en avril 2019 par l’attaquant d’une synagogue à près de San Diego, et par Brenton Tarrant, auteur du massacre dans les mosquées de Christchurch.

En février 2015, Martin Sellner, fondateur et dirigeant du Mouvement identitaire autrichien (Identitäre Bewegung Österreichs), à l’aile droite du FPÖ, publiait dans la revue d’extrême droite Sezession, un article intitulé « Mon chemin de pensée vers Heidegger ». Il y loue sa « métapolitique », et se réfère à Guillaume Faye, le négationniste fondateur des Annales d’histoire révisionniste — où Faurisson publia les lettres de soutien qu’il avait reçues de Jean Beaufret, principal initiateur de l’école heideggérienne en France.

Nouveau saint Paul, Sellner évoque son « chemin de Damas » avec Heidegger (p. 8). Dans le même numéro spécial Heidegger, Sellner voisine avec Ernst Nolte, historien élève du Maître et fondateur reconnu de l’école révisionniste allemande. Par ailleurs, Sellner se réfère aussi à Dominique Venner, Alain de Benoist et Alexandre Douguine, eurasiste radical, auteur de plusieurs livres à la gloire de Heidegger, et qui demandait récemment l’extermination des Ukrainiens.

Proche de l’extrême droite allemande, inspiré par Génération identitaire en France et CasaPound en Italie, Sellner a d’abord multiplié les pèlerinages sur les tombes de la Wehrmacht. Son mouvement s’est fait connaître par des profanations de bâtiments religieux accueillant des réfugiés, des attentats contre les permanences du parti socialiste SPD, dont la tiédeur socialdémocrate semblait pourtant irréprochable, et des actions commando contre l’Université et le Burgtheater de Vienne pour empêcher la représentation d’un spectacle d’Elfriede Jelinek, coupable non seulement d’être prix Nobel, antinazie et de père juif, mais de mettre en scène des réfugiés. L’attaque du théâtre fut alors présentée comme « pacifique » (friedlich) par Heinz-Christian Strache, dirigeant du FPÖ et vice-chancelier.

Or, après le meurtre de masse (51 victimes) commis à Christchurch par Brenton Tarrant, on apprit que ce terroriste néonazi s’était rendu en Autriche en 2017, entretenait avec Sellner une correspondance militante, échangeait avec lui des invitations amicales, et avait financé son mouvement. Comme lui, il est vrai, Sellner propage la thèse de la substitution des populations (Bevölkerungsaustausch), engageant les « Blancs » à une lutte pour la vie.

Lors de son voyage en Europe, Tarrant avait été catastrophé par la victoire du « mondialiste » Macron contre Marine Le Pen. Elle milite en effet contre le grand remplacement, bien qu’elle s’en défende à l’occasion (15).

Comme avant lui Anders Breivik qu’il a pris pour modèle, Brenton Tarrant a puisé dans la symbolique nazie, ornant par exemple ses armes et son manifeste d’une roue runique, ou « Soleil noir », signe ésotérique de l’Allemagne secrète qui orne au château SS de Wewelsburg la salle d’apparat des Obergruppenführer(16).

Ce que Primo Levi nommait la « magie noire de la cour nazie » entoure l’iconographie néonazie de Heidegger, seul penseur à être devenu une icône, comme en témoigne ce visuel en ligne sur un site extrémiste :

En somme, et bien que les néo-nazis ne s’encombrent pas toujours de philosophie, des militants radicaux de la nouvelle droite internationale, de Renaud Camus à Udo Pastörs et Martin Sellner et à Alexandre Douguine se réfèrent volontiers à Heidegger. Même Steve Bannon s’en recommande dans un entretien au Spiegel : « C’est mon type ! ».(17)

Ce succès posthume n’était pas imprévisible, car le Maître avait planifié la publication de son œuvre en ménageant une radicalisation progressive. Voici vingt ans paraissaient d’abord ses écrits politiques les plus durs, comme l’hommage à Schlageter ou la profession de foi envers Adolf Hitler : Heidegger escomptait, non sans raison, qu’ils seraient accueillis comme marée en carême. Puis ce furent, à partir de 2014, les Cahiers noirs qui couronnent son œuvre complète, et dont sept volumes sont parus à présent. Bien que des philosophes heideggériens traditionnels alternent les dénis et les justifications, le projet métapolitique du Maître dépasse désormais la routine académique qui a fait de lui un incontournable auteur d’Agrégation. Avec la publication des Cahiers noirs et de divers volumes de correspondances, la vision éthérée et lénifiante de la philosophie heideggérienne qui a longtemps prévalu a désormais perdu l’essentiel de sa faible crédibilité.

Bien entendu, on pourra toujours opposer la réception académique et la réception politique, en arguant que la métapolitique revendiquée par Heidegger dépasse les vulgarités de l’extrême-droite internationale et du néonazisme. Soit, mais on ne peut éluder qu’à présent des leaders néo-nazis font de Heidegger un exemple et un recours.

Plus généralement les références aux penseurs nazis, de Carl Schmitt à Alfred Bäumler et de Arnold Gehlen et Ludwig Klages se multiplient aujourd’hui bien au-delà des cercles académiques : leurs œuvres font non seulement l’objet de commentaires, mais, par leur violence mortifère, elles restent bien des sources d’inspiration pour les « métapolitiques » présentes.

Notes

 

(1) « La fin de la “Philosophie”. — Nous devons la conduire à sa fin et par là préparer le tout autre — Métapolitique » [« Das Ende der “Philosophie”. Wir müssen sie zum Ende bringen und damit das völlig Andere —Metapolitik —vorbereiten. » (GA 94, p. 115)]. La métapolitique connaît aussi un regain d’intérêt dans une certaine gauche radicale ; voir par exemple Alain Badiou, Abrégé de métapolique, Paris Seuil, 1998.

(2)Pour des précisions, on pourra au besoin consulter notre Heidegger, Messie antisémite. Ce que révèlent les Cahiers noirs, Lormont, Le bord de l’eau, 2018, pp. 74-75. La session inaugurale fut ouverte par un discours d’Alfred Rosenberg ; auprès de Heidegger siégeaient,entre autres, Julius Streicher et Carl Schmitt. Le rôle de cette commission a fait récemment l’objet de controverses.

(3) Voir par exemple Harald Seubert, Heideggers Revolution, in Sezession, n° 44, 2011, p. 30-33.

(4)Pour une présentation, voir <www.netz-gegen-nazis.de/artikel/wider-die-herrschende-meinungsdiktatur-der-politischen-korrektheit-zuerst-das-deutsche-nachrichtenmagazin-5554>.

(5) Cf. l’auteur, 2018, op. cit., p. 91-94.

(6) Entretien avec Frédéric Lemaître, Le Monde, 21 octobre 2015. Pastörs reprend les termes mêmes des Cahiers noirs, en l’occurrence GA 95, p. 322, alors récemment parus en Allemagne.

(7) Évoquant la violence soudaine, « Sturm » est un mot-clé du militarisme nazi : par exemple, les « Sturmtruppen » (« détachements d’assaut ») et les « Sturmabteilungen » (connus par lesigle SA). Bien que Heidegger présente cette phrase comme une traduction de Platon, il rend « episphalle » par « Sturm », alors même que Schleiermacher traduit « bedenklich » (discutable)…

(8) Alexandre Douguine, Martin Heidegger. The Philosophy of Another Beginning, Moscou, Academic Project, 2010 (tr. angl. Washington, Washington Summit Publishers, 2014). Voir notamment son commentaire du Geviert (quadriparti – ou double svastika), p. 121-126. Les implications politiques de cet ouvrage sont développées dans The Fourth Political Theory, Londres, Arktos, 2012. Voir aussi Gaëtan Pégny, « Alexandre Douguine, un heideggérisme à la fois revendiqué et dissimulé », Revue d’histoire de la Shoah, n° 207, 2017, p. 115-128. Douguine n’est pas qu’un idéologue : il est par exemple cité comme négociateur du Kremlin dans le dossier d’instruction en cours sur le scandale du financement occulte de la Ligue du Nord italienne dirigée par Matteo Salvini. Les traductions françaises des livres de Douguine ont été régulièrement préfacées par le leader néo-nazi Alain Soral.

(9) Avec Édouard Limonov, qui le présentait comme « le Cyrille et Méthode du fascisme ».

(10) Alexandre Douguine, Chajdegger : Wosmoshnost russkoj filosofii [Heidegger : la possibilité d’une philosophie russe], éd. Le Projet académique, Moscou, 2011.

(11) Voir en particulier cet entretien : <http://m.youtube.com/watch?v=b93z2yPo4pA>.

(12) Manuel Ochsenreiter, « Der Vordenker », Zuerst, 2013, 3, p. 73-77. Ici p. 75.

(13)Elle ajoutait : « Tout notre respect à Dominique Venner dont le dernier geste, éminemment politique, aura été de tenter de réveiller le peuple de France », Le Monde, 21 mai 2013.

(14)https://twitter.com/vincentcespedes/status/1178107142978654213?s=21

(15) Elle questionnait en 2011 : « Comment pourrions-nous nous satisfaire de voir nos adversaires poursuivre leur œuvre de ruine morale et économique du pays, de le livrer à la submersion par un remplacement organisé de notre population ? ». En septembre 2018, dans un meeting à Fréjus, elle répétait : « Jamais dans l’histoire des hommes, nous n’avons vu de société qui organise ainsi une submersion irréversible et d’une ampleur non-maîtrisable qui, à terme, fera disparaître, par dilution ou substitution, sa culture et son mode de vie ».

(16) Il a prodigué d’autres signes de reconnaissance : quand il a diffusé en direct son massacre sur Facebook live, il a fait le signe des suprématistes blancs (le pouce et l’index arrondis ensemble pour dessiner un P, les trois autres doigts levés, pour dessiner un W, soit les initiales de White Power). Quelques semaines après, en Estonie, le néonazi Ruuben Kaalep, élu du parti EKRE, membre de la coalition au pouvoir, recevait Marine Le Pen et diffusait un selfie où tous deux font le même signe. Le 15 mai, sur France Inter, Marine Le Pen se disculpait toutefois en interprétant ce signe comme le OK des « plongeurs de combat », et en précisant que son hôte n’était pas un « suprématiste blanc », mais un « suprématiste finno-ougrien », nuance que le lecteur appréciera pleinement.

(17) « We sit down at the dining room table and he picks up a book, a biography of the philosopher Martin Heidegger. “That’s my guy,” Bannon says ». (Christoph Scheuermann, « The Stephen Bannon Project Searching in Europe for Glory Days Gone By », 29 octobre 2019 ; en ligne :http://www.spiegel.de/international/world/stephen-bannon-tries-rightwing-revolution-in-europe-a-1235297.html.

 

François Rastier, directeur de recherche au CNRS, a publié récemment Naufrage d’un prophète. Heidegger aujourd’hui (PUF, 2015), Heidegger, Messie antisémite. Ce que révèlent les Cahiers noirs (Le Bord de l’eau, 2018) ; Exterminations et littérature. Les témoignages inconcevables (PUF, 2019).

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