"Je n'ai pas vécu la liberté, mais je l'ai écrite sur les murs" (la révolution syrienne)

Soutenir Hassan Iquioussen, défendre les libertés contre le séparatisme islamophobe

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En France, pour la majeure partie de la population, le délai de prescription des crimes est de 20 ans, celui des principaux délits de 6 ans, celui des délits de presse de trois mois.

Hassan Iquioussen, imam du Nord de la France fait actuellement l’objet d’une procédure d’expulsion pour des propos qui n’ont fait l’objet d’aucune poursuite, d’aucune condamnation. Des propos qui auraient été tenus en 2004, 2005 et 2014. Il y dix-huit ans ou huit ans au plus.

Hassan Iquouissen est musulman et responsable religieux. Il est français autant qu’on peut et que l’on souhaite l’être ou pas, lorsqu’on est né en France en 1964, qu’on a 58 ans, qu’on a vécu toute sa vie ici, que l’on y a son parcours professionnel et politique, sa famille, ses amis et ses ennemis. Aussi peu qu’on peut l’être lorsqu’on est issu de l’immigration musulmane, et qu’au fil des années, l’état nous a refusé plusieurs fois la nationalité française, pour motifs politiques.

Aussi bien, Hassan Iquioussen, comme nous tous, est-il depuis la loi Séparatisme qui détruit sa vie et celle des siens, juste issu de l’immigration musulmane. C’est à dire soumis à un régime d’exception, dont toutes les règles ont créé une zone grise, où les libertés civiles, politiques et religieuses s’appliquent “sous réserve de” . Sous réserve du bon vouloir du pouvoir exécutif et de ses organes administratifs.

Dans cette zone grise,  on a le droit de croire en Dieu et de le dire, seulement si Dieu est un autre, dont les commandements sont définis dans des chartes écrites par des fonctionnaires. Dans cette zone grise, on a le droit d’être une femme libre seulement si l’on porte les jupes dont la taille a été définie au centimètre près par son employeur ou par la direction de son lycée. Dans cette zone grise, on a le droit d’être de droite, de gauche, progressiste ou réactionnaire, seulement et seulement si l’on se place sous la protection des forces politiques françaises de souche.

Dans ce cadre, naturellement, l’on peut choisir d’être antisémite, et l’on aura peut-être même une chance de finir chargée de mission de l’un ou l’une des 89 fascistes de l’Assemblée Nationale. Ou même l’on pourra l’être à la République en Marche, qui commémore Pétain, et proclamer notre amour de la complexité maurassienne,et des citations de Julius Evola avec notre président. L’on pourra être féministe ou anti-féministe, en même temps, pour la liberté de se baigner en bikini obligatoire, pour l’avortement et contre le péril woke qui menace les bases même de la grande civilisation gauloise avec le point médian et les accusations de viol contre la Personne Sacrée des Ministres. Qui sait, l’on pourrait même un jour, grâce à la méritocratie républicaine, finir secrétaire d’État à la vie associative, et deviser paisiblement dans les salons des Ministères avec une collègue qui appelle les homosexuels “ ces gens là” et revendique fièrement son soutien à l’homophobie.

La liberté et l’égalité sont certes toujours en vigueur dans les textes de la cinquième République. A une condition, clairement énoncée à l’époque,  dans la présentation gouvernementale de la loi Séparatisme. Ne pas être musulmane ou musulman. Dans ce cas, il faudra signer des chartes sans fin, et se soumettre au contrôle pointilleux et permanent de l’état, mais aussi de celui d’une société française où désormais les médias, la majorité des forces politiques n’ont plus qu’un seul rapport à notre communauté et à ses membres. Traquer le musulman ou la musulmane dans chacun de nos gestes, dans chacune de nos prises de position.

Par exemple, pour ne pas encourir l’opprobre et le soupçon, il faudrait aujourd’hui condamner Hassan Iquioussen pour des propos tenus il y a dix huit ans.  Ou mieux se taire, faire comme s’il n’existait plus. Comme s’il n’avait jamais existé, pas plus que le CCIF, pas plus que les mosquées fermées, pas plus que les associations et les maisons d’édition dissoutes, pas plus que les restaurants fermés, pas plus que les imams déjà expulsés. Pas plus que notre communauté, au fond, la communauté unie par un seul lien, dans ces années où nous étions de droite, de gauche, athées ou immensément pieux, voilées ou pas, féministes ou soucieuses de plaire à nos maris, blasphématrices forcenées ou profondément attachées à des traditions du 16ème siècle. Le lien des combats des générations précédentes contre le colonialisme, contre les discriminations, contre le racisme et l’islamophobie ,qui avaient fait de nous, presque des hommes et des femmes libres et égaux en droits.

Presque. Le temps du presque est terminé. La loi Séparatisme, aboutissement de quinze ans d’islamophobie décomplexée rassemble une communauté nouvelle. Celle qui se définit d’abord en négatif, d’abord par les idées que nous n’avons plus le droit d’exprimer, d’abord par les discriminations que nous n’avons plus le droit de dénoncer, d’abord par les prières que nous n’avons plus le droit de faire, d’abord par les vêtements que nous n’avons pas le droit de porter. D’abord par la répression, d’abord par l’humiliation.

Cette communauté nouvelle n’est pas restreinte à celles et ceux qui enfreignent les commandements définis par des politiques qui se prennent pour des prophètes de la République essentialisée à leurs désirs. Elle nous englobe toutes et tous, issus de l’immigration musulmane à qui l’on a retiré toute les libertés, en nous retirant celles d’éventuellement être musulmans et musulmanes comme il ne faut pas, si nous le souhaitions.

Cette communauté se définit aussi en positif concret. Elle englobe celles et ceux qui depuis la loi Séparatisme, refusent la Séparation, le tri entre le bon grain et l’ivraie décidé par d’autres qu’eux mêmes.

Aujourd’hui cette communauté se définit, entre autres choses, par le soutien inconditionnel à Hassan Iquioussen. De ses idées, de ses prises de position, nous ne débattrons qu’avec lui, le jour où il sera de nouveau un homme libre et nous des femmes libres . Il y a des débats qui ne peuvent avoir lieu sans combat.

Et ce combat regarde aussi nos camarades de gauche, nos camarades féministes, nos camarades antiracistes non musulmanes. Nous ne mendions  pas leur soutien, nous attendons simplement la fidélité à nos valeurs communes, et que chacun et chacune fasse son devoir politique.  Nous attendons le respect de l’égalité qu’on nous promet depuis si longtemps dans nos espaces politiques., et nous sommes lasses d’attendre, et très peu d’ailleurs à rester encore dans une gauche incapable de la moindre combativité antiraciste et paralysée par la peur d’être  assimilée aux “islamistes” dès que le Printemps Républicain dégaine un tweet .

Cette égalité commence par ne pas nous appliquer le sous-statut défini par Darmanin et les siens, à être derrière nous lorsqu’il s’agit de rendre aux nôtres la liberté politique et religieuse dont ils sont privés, sans condition, sans réserves, sans trier entre les mauvaises victimes et les bonnes. Soit ce qui est appliqué à gauche en matière de féminisme et d’antiracisme, sauf pour les musulmans.

Aujourd’hui et en urgence, cela passe d’abord par la défense d’Hassan Iquioussen et celle des prochaines victimes de l’islamophobie d’état. Nous tous et toutes à terme, car nous sommes désormais interchangeables. Et fières de l’être.

Nadia Meziane, pour Lignes de Crêtes.

Nejwa Slimani.

PrecairE, antiracistE

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