Le 18 février prochain, au centre Wallonie-Bruxelles de Paris (antenne de l’agence chargée des relations internationales Wallonie-Bruxelles), se tiendra une projection débat autour du film Damascus de Myrna Nabhan. Il s’agit là d’un évènement de normalisation et de relations publiques du régime Assad, qui intervient quelques jours après les premières arrestations en Europe de Syriens accusés de crimes contre l’humanité, en tant que membres des services de renseignements syriens.
Myrna Nabhan est une jeune journaliste belge d’origine syrienne et marocaine. C’est une des figures de propagande du régime Assad, sur ses médias, télévisés notamment. Elle est proche de politiciens belges qui ne mettent en avant que le sort des chrétiens d’orient (alors que c’est l’ensemble de la population syrienne qui vit depuis des années des situations très dures), notamment Gorges Dallemagne.
Dans une interview sur son film, Myrna Dabhan déclare « Dans le film, des jeunes parlent du coût de la vie, qui a énormément augmenté à cause de la guerre. Les gens n’ont plus les moyens de se nourrir. Ça peut être une raison pour un départ, ça peut pousser à prendre différentes décisions. Les sanctions internationales sont imposées au pays et c’est la population civile qui paye le prix. » Pas un mot donc de la politique du régime Assad et de ses crimes, en réaction aux manifestations pour la liberté, la justice et la démocratie ou avant la révolution débitée en 2011.
Raconter la guerre, nous dit la présentation de son film, sur le site du centre Wallonie Bruxelles, « c’est aussi se détourner un instant des salves des mitraillettes, du tourbillon de folie meurtrière et des statistiques macabres de victimes anonymes. »
Nous savons à quel point il est nécessaire de continuer à faire entendre la parole des révolutionnaires syriens et de faire vivre les idées qui les animent, de pointer sans relâche les responsabilités de chaque atrocité, parce qu’elles ne sont pas plus anonymes que celles et ceux qui les ont subies. Plus de 100 000 Syriens ont disparu ou ont été tués dans les prisons du régime de Bachar al Assad depuis 2011.
Nous avons déjà donné la parole à l’une de ces voix de la révolution syrienne lors d’une conférence sur les nouvelles consciences dans la société syrienne depuis la Révolution, avec Yahia Hakoum. Ecoutons ce qu’il dit de ces premières arrestations, dont celle d’un de ses tortionnaires :
« Huit ans après avoir vécu l’enfer sur terre dans les agences des services de renseignements syriens, je peux dire qu’il y a un espoir. Il y a quelques jours, j’ai vu dans les médias une nouvelle qui parle de l’arrestation de 3 anciens agents du régime Assad en France et en Allemagne. Une nouvelle qui m’a poussé à chercher qui étaient les 3 personnes en question. Le grand choc fût de voir la photo de la personne qui a littéralement dit à un de ses agents : « ôte-lui la chair de ses os, peut-être que cela l’aidera à se rappeler de noms de ces bâtards qui manifestaient à ses côtés ». Ça a été une grande surprise d’imaginer arrêté et emprisonné, un de ceux qui m’avaient dit le jour où ils m’ont relâché « Tu sors de petite cellule pour aller dans la grande prison, où que tu sois dans le monde, on peut te trouver, et tu souhaiteras la mort mais ne la trouveras pas ». J’étais encore plus choqué de savoir que ce monsieur faisait partie de la délégation de Genève chargée de négocier avec le régime. Je me suis senti trahi par des personnes qui se veulent la représentation des Syriens mais en vrai se foutent de leurs souffrances.
Depuis quelques jours, je ne m’arrête pas de me dire que ce monsieur se trouve arrêté bien sûr, mais qu’en Allemagne il ne sera pas torturé comme il l’a fait à des milliers de Syriens. Au moins il est arrêté. Il ne va pas crever de faim dans la prison allemande mais il est arrêté. Il ne va pas mourir de soif mais il est arrêté. Personne ne va lui proposer comme chantage de donner les noms des personnes qui manifestaient pour un verre d’eau mais il est arrêté.
Un sentiment de tristesse et un sentiment de colère m’ont envahi. J’ai pleuré mais avec le sourire sur mes lèvres. Je ne sais pas si ces larmes sont celles du bonheur, de la tristesse ou de l’énervement. J’en ai tremblé pendant des heures.
Peut-être que pour certains, il est normal et naturel qu’une personne comme ça soit arrêtée, mais pour un Syrien comme moi, c’est un miracle. C’est un soulagement, et enfin je peux dire que le sentiment d’impunité dont les agents du régime d’Assad ont joui pendant des années en Europe n’est plus à l’ordre de jour. Tous ces membres de milices et services de renseignements qui vivent en Europe ne sentent plus en sécurité, ils seront jugés pour leurs crimes et l’espoir qu’Assad soit aussi jugé devient encore plus grand. »
Nous invitons toutes les personnes solidaires de la Révolution syrienne, éprises de la défense des droits humains et de la justice à (continuer de) relayer les voix de la révolution syrienne et à refuser la normalisation du régime Assad.