Conférence tenue le 16 novembre 2018
Ecouter Yahia Hakoum parler des nouvelles consciences dans la révolution syrienne, c’est entendre une voix qui bouleverse. Au sens affectif, certes, mais surtout dans celui de chambouler nos manières de penser.
Nos manières de penser la révolution syrienne, ou peut-être les révolutions tout court. Nos manières de penser notre situation ici, si l’on veut bien se laisser bousculer.
Yahia parle de choses concrètes, des photos de Bachar al Assad déchirées, de sa sœur qui divorce, de messages sur les murs et de l’essor de la presse, de comment des tas de gens ont construit une conscience politique, des discussions en famille, des évolutions individuelles et parfois des ruptures avec des proches sur les fondamentaux de la révolution. Rien que cela fait du bien, face à tant de discours géopolitiques, idéologiques ou macro-économiques qui masquent tout ce qu’il y a d’émancipateur dans la révolution syrienne (et d’autres). Cela donne envie d’avoir des luttes à raconter de cette manière.
Car ce que Yahia décrit, c’est une société où quelques uns d’abord, bien plus ensuite, ont bravé la peur d’une dictature sanguinaire et où la réaction aux massacres du régime est devenue un marqueur essentiel. Où toutes les violations des droits humains, même celles de son propre camp, sont dénoncées par les révolutionnaires.
Et ce que la révolution a réussi, c’est mettre au cœur de toute la société syrienne cette question des droits humains, des libertés fondamentales, la question des minorités, la démocratie, le refus de groupes certes opposés à Assad mais bien loin de ce que veulent les révolutionnaires. La révolution a permis à ces nouvelles consciences qui ont émergé dans le temps de se traduire en pratiques.
C’est d’ailleurs ainsi que Yahia définit un des premiers éléments de la démocratie: juger chacun sur ses idées et ses pratiques. Et il ne se prive pas de rappeler le peu de soutien qu’a connu la révolution syrienne, de fustiger les réactions islamophobes occidentales en rappelant que des femmes voilées ont chassé les djihadistes de certains villages, tout comme il dénonce l’éducation antisémite dans les écoles du régime.
Yahia, en racontant tout cela, illustre aussi le pouvoir de la révolution syrienne au-delà des Syriens. Son évocation de la révolution permet de remettre les actions de ceux qui ont changé leur vie et la société syrienne au cœur et d’écraser complètement cette dialectique malsaine de qui est le pire ou le moins pire entre les islamophobes et les antisémites. En parlant de révolution syrienne on parle déjà du dépassement de cette dialectique qui pourrit tant de débats et d’actions ici, on parle de comment écraser l’une comme l’autre par des droits de l’homme, de la liberté, de la démocratie…
Ce n’est pas rien de dépasser ça, c’est même le début de quelque chose.
Alors on va continuer à les faire bouger ces lignes de crêtes.