"Je n'ai pas vécu la liberté, mais je l'ai écrite sur les murs" (la révolution syrienne)

Un préfet pour sortir les poubelles

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L’anti-conspirationnisme a de nombreuses vertus. Lorsqu’il est humble et qu’il colle à sa matière, c’est à dire une plongée dans les pires égouts de l’internet. Cette matière et son étude forcent à l’humilité, et l’expert es complotisme sait tant qu’il colle à sa matière, qu’il est avant tout un éboueur, métier essentiel s’il en est mais, pas spécialement valorisé sur les tribunes ou les plateaux TV.

Or, l’avantage était que les spécialistes égoutiers et éboueurs avaient une parfaite connaissance de leur matière, des réseaux qu’elle emprunte, et des gens qu’elle touche et qui la reproduisent. Et lorsqu’arrive le moment médiatique, ce moment où une conspi est à la mode et où le téléphone sonne pour que l’expert conspi puisse venir donner son avis ou recevoir des financements, alors normalement l’expert conspi est prêt. Il connait parfaitement son sujet et sa matière le force à l’humilité.

Malheureusement l’anti-conspirationnisme est devenu un truc très à la mode. Le téléphone sonne beaucoup sur beaucoup de sujets et de nombreux micros et tribunes sont désormais offerts à qui veut avoir un avis sur le complotisme. Le problème de cette situation est que la gloire et la lumière de l’anti-complotisme l’éloigne de plus en plus de sa matière. Le melon des experts explose, de nombreux égos voient l’occasion de se placer en posant leur avis sur les narratifs. Et comme les narratifs conspis permettent de raconter n’importe quoi, les experts anti-complotistes, qui s’autorisent à donner leur avis sur les narratifs conspis, peuvent eux aussi raconter n’importe quoi.

Le tout comfortablement assis sur le long et laborieux travail des fact-checkeurs, activistes débunkers, chercheurs OSINT, qui continuent de s’occuper des égouts et poubelles du net pendant que les experts vont sur à la télé, radio, tribunes poser leurs obsessions sur les narratifs conspis.

Prenons la 5G et le coronavirus par exemple. On ne peut aller se faire interviewer sur la 5G et le coronavirus que si on a fait au préalable le travail sur la désinformation et qu’on sait quels sont les réseaux qui vont surfer sur les narratifs 5G pendant la COVID 19. En effet ces réseaux existaient préalablement à cette épidémie, et ont su se positionner habilement et adapter leurs narratifs, comme en témoigne David Icke ou Sacha Stone.
Mais si on part directement sur le narratif, qu’au lieu de recontextualiser l’antisémitisme de Icke et le prix d’un cours de Sacha Stone, on se contente de juger ses propres fantasmes sur le renouveau du luddisme… et bien on finit avec un discours sur le pouvoir. Et on ne fait que renforcer celui qui dit « on ne sait pas et on veut pouvoir avoir le droit de dire on ne sait pas ».

Les narratifs conspis son en effet conçus pour générer leur propre reproduction et transformation. Ils sont malléables à l’envie et vont toujours dans la direction qu’on souhaite. Ce phénomène s’applique aussi à ceux qui étudient ces narratifs, et aboutit, si on ne colle pas au terrain, à ce qui s’appelle la branlette sur narratif.

La branlette sur narratif arrive extrêmement facilement en réalité, dès qu’on prétend étudier les narratifs conspirationnistes en les détachant du contexte, des plateformes, des modes de diffusions auxquels ils s’attachent.
Car détaché du reste, le narratif conspi sert à tout. Il peut être pris dans tous les sens et dès lors, permet à l’égo ambitieux de donner son avis sur tous les sujets. C’est à la social-démocratie et au libéralisme ce que la critique des médias est à la gauche radicale.

Prenons un narratif conspi :

Les grands groupes pharmaceutiques ne veulent pas que on utilise la Chloroquine pour pouvoir vendre un vaccin et profiter aux amis du professeur Levy.

Ici on peut le prendre sous l’angle anti-vaccin, sous l’angle antisémite, sous l’angle big pharma etc. Le narratif circulera également chez ceux qui sont plutôt antisémites ou ceux qui sont plutôt anti-vaccin. Mais l’effet sur le chercheur est exactement le même. Il prendra ce narratif sous l’angle qu’il préfère et selon ses biais. Il classera ainsi ce narratif avec d’autres selon le même biais et construira ainsi un corpus déconnecté de toute réalité, mais correspondant à ses fantasmes sur les narratifs et prêt à servir ce qu’il avait prévu de dire.

La frontière entre le vérifiable et le non-vérifiable

La lutte contre la désinformation et contre le conspirationnisme est une opération complexe qui impose de définir une frontière entre le vérifiable et le non-vérifiable. Le conspirationniste ou le troll de Poutine, cherche à brouiller cette frontière et à étendre le domaine du non-vérifiable.

Le fact checkeur, le chercheur OSINT ou le militant debunker (non-rémunéré à la différence des autres), cherche à étendre le domaine du vérifiable. Il prend des objets un à un et, ce faisant, il fait entrer ces objets dans le vérifiable, où ils peuvent être vrai ou faux. Si il refuse de se saisir d’un objet alors l’objet est dans le non-vérifiable, et les avis et opinions pour ou contre ou autre peuvent s’exprimer dessus. Le vérifiable c’est l’endroit où la société est d’accord avec elle-même, où les règles et la morale commune peuvent intervenir et définir le vrai, le faux, le satirique, la croyance la science etc. Nous avons définit en tant que société moderne que nous avions confiance dans la science, donc le fait que la terre soit ronde se trouve dans le domaine du vérifiable, à l’aide des règles scientifiques. Le non-vérifiable c’est l’endroit où “on ne sait pas”, ou le fantasme et l’opinion peuvent s’exprimer, l’existence de Dieu, ou “sommes-nous seuls dans l’univers?”. C’est à la condition d’avoir délimité les deux espaces, qu’il peut exister un débat démocratique. Si l’on est pas d’accord pour dire que la terre est ronde, alors impossible d’avoir un débat démocratique sur la façon dont Elon Musk étend le capitalisme à l’exploration spatiale par exemple. C’est encore plus flagrant lors d’une élection démocratique où deux candidats vont s’écharper sur l’interprétation de tel ou tel chiffre, ils ne peuvent avoir un débat dessus uniquement parce que les chiffres sont dans le domaine du vérifiable.

Cette séparation entre le domaine du vérifiable et le domaine du non-vérifiable est donc essentielle au débat démocratique et c’est l’activité au jour le jour des acteurs de la désinformation de brouiller cette frontière, et des acteurs contre la désinformation de la tracer.

Mais l’expert en conspirationnisme des plateaux TV, lorsqu’il est déconnecté de ce travail, sa parole est catastrophique. Il se sert allègrement dans la limite du vérifiable et du non-vérifiable si durement défendue, et utilise cette frontière comme acquise pour poser son opinion dessus: Les gens qui croient à la conspi sont des crétins; ou alors les gens qui croient à la conspi ne sont pas des crétins; ou alors les gens qui croient à la conspi sont parfois des crétins, parfois pas des crétins selon le contexte. Fort de ce jugement il passe à la télé, écrit des bouquins ou gagne des financements. Mais si il avait dû se battre pour poser cette fichue frontière, il éviterait soigneusement de poser son opinion dessus, puisqu’en faisant cela il ne fait que remettre la frontière elle-même dans le domaine du non-vérifiable.

Autre problème, l’incroyable adaptabilité des narratifs. Les narratifs conspirationnistes ont cette faculté de pouvoir se recycler et s’adapter à presque toutes les situations, de déjouer les tentatives de définitions et de pouvoir s’emparer d’un nombre quasi innombrable de sujets d’actualité. Les conspirations sur la 5G se sont adapté à la crise du Coronavirus de façon incroyablement rapide. Les narratifs anti-vaccins aussi (alors qu’on est très loin d’un vaccin). A peu près tous les narratifs se sont adaptés à la crise du Coronavirus, comme ils savent le faire lors d’évenements de très grande ampleur et dont tout le monde parle.

Et malheureusement ce phénomène permet à l’expert du conspirationnisme de parler sur tout, après avoir étudié un narratif une fois. Puisque les narratifs s’adaptent à tous les sujets d’actualité importants, alors c’est tout autant de sujets qui permettent à l’expert conspirationnisme de se produire. Un peu comme la critique des médias, c’est une méta-critique qui permet de s’exprimer sur tous les sujets dont parlent les médias. Chaque attentat, chaque crise, chaque obsession est une opportunité de s’exprimer. Il est aussi possible de donner son avis sur les réseaux sociaux et internet en général, puisque ce sont sur ces réseaux que se diffusent et s’échangent ces narratifs.

Le Préfet qui avait un avis sur la révolution terroriste

C’est ce qui explique que l’anti-conspirationnisme ait pris en melon, qu’il confond avec de la noblesse, et ce à mesure que le conspirationnisme gagnait du terrain, et que l’anti-conspirationnisme gagnait en occasions de s’exprimer. L’anti-conspirationnisme est aujourd’hui considéré avec prestige – pas tant par le pouvoir, que par les égos ambitieux qui lui tournent autour. Et qui peuvent aujourd’hui marcher sur la tête des égoutiers et éboueurs du net et, se servant dans l’analyse de la matière sans y mettre la main, viser prestigieuse publication et les sommets des sicences sociales mais sans l’odeur. C’est l’ère de la branlette sur narratif.

Ainsi, ce préfet islamophobe en mal d’affectation, à l’occasion de la crise du coronavirus, se permet d’aller sur un site reconnu de la sphère anti-complotiste, Conspiracy Watch, pour y publier un grand délire sur les liens entre conspirationnisme, révolution et terrorisme. Ce site ayant bien souvent fait un excellent travail et justement plongé dans les égouts du net combattre le complotisme de front, la publication du préfet correspond très exactement au phénomène décrit ci-dessus

Examinons un peu le processus à l’aide de son texte “La matrice révolutionnaire du complotisme”:
« Il relève ainsi une dimension proprement politique du complotisme, là où il est usuel d’y voir un symptôme de nature psychologique ou l’effet de comportements sociaux. »
L’expert va ici s’envoler loin de la matière complotiste, qui ne l’intéresse pas (et qui, comme on l’a dit, est sale) pour aller directement tenir un discours politique et psychologisant. Ce faisant, il va pouvoir expliquer, grâce au complotisme, que son discours politique s’applique à tous les sujets qui intéressent le complotisme.

Le préfet enchaîne:
« Quel sens donner à cette formule énigmatique [de François Furet] de « discours imaginaire sur le pouvoir » ? Faisons l’hypothèse qu’elle serve à caractériser l’essence de la Terreur, au moment où s’éprouve l’impossibilité d’atteindre à l’idéal d’unité du Peuple sous le seul empire de la commune Raison. »
Les éléments entre eux n’ont pas grand rapport, à priori mais comme on parle de complot on peut s’autoriser des rapprochements. Ici le fait que le bout de phrase « discours imaginaire sur le pouvoir » se trouve dans un livre sur la Révolution française, permet au préfet de décider d’appliquer ça à la terreur, qui serait la suite logique de la révolution. Et surtout parce que qui dit terreur peut dire « Terroristes » et le préfet a très envie de dire terroriste.

“On sait comment ce motif terroriste initial a pu se répéter lors de la révolution léniniste, et quel usage le régime stalinien a su en faire pour persévérer dans son être”, nous dit encore le préfet afin de lier « Terroriste » et « révolution léniniste ». Puis il ajoute, sûr de lui : « Il est possible d’y voir un trait plus général des totalitarismes, ou au moins un caractère de la disposition totalitaire, par laquelle tout ce qui parait s’opposer à la réalisation de l’idéal, ou au retour à un ordre originaire mythique, doit être systématiquement combattu, réduit puis éliminé, idéologies, représentations artistiques, traces architecturales, religions ou peuples. »

Ici on pourra voir un exemple de l’adaptation des narratifs et de comment quelqu’un qui veut avoir un avis sur la propagande totalitaire, le terrorisme et la révolution sans avoir étudié de matière récente, va evidemment raconter n’importe quoi. Le régime de Bachar al Assad est en effet une parfaite incarnation du totalitarisme. Il est un des plus antisémites et conspirationnistes de la planète. Il a su conquérir le cœur des islamophobes grâce à sa propagande, qui a reposé notamment sur la protection des minorités religieuses et sur la protection des sites historiques. En clair, l’un des régimes les plus totalitaires, conspirationnistes et antisémites de la planète a su écraser sa révolution en l’appelant terrorisme et en se présentant comme le barrage à tout ce que notre préfet présente ici comme trait général des régimes totalitaires. Et ce même régime a aussi fait ça avec la laïcité, thème cher à notre préfet, en se présentant comme régime “laïc” gagnant le cœur de tous ceux qui confondaient laïcité et islamophobie.

Puis vient la conclusion, modèle du genre:
“A la grande différence de leurs ancêtres lointains ou plus récents, collapsologues, anti-vax et autres survivalistes n’ont pas de projet de société très arrêté, sinon la ferme intention d’échapper au Grand Autre maléfique en ne comptant que sur eux-mêmes. C’est là, pourrait-on dire, une reformulation néo-libérale, individualiste et anti-système, de la matrice terroriste originelle. Cet hybride inattendu n’est ni de gauche, ni de droite: l’un semble certes plus hostile au capitalisme que l’autre, encore qu’ils se méfient l’un comme l’autre du libre-échange, mais pour le reste leur ennemi est fondamentalement le même: la démocratie confisquée par « l’État profond », cette infrastructure invisible qui dirige tout derrière une glace sans tain, surveille les individus grâce au numérique et intoxique les masses par la manipulation médiatique. Il permet aussi bien aux gouvernés de rejeter par principe tout pouvoir, qu’aux gouvernants de justifier leur impuissance. Considérons le verre à moitié plein : ce complotisme s’est répandu, y compris parmi des couches relativement favorisées de la société, mais une bonne partie de son pouvoir de dévastation s’est émoussé.”

Ici on reconnaît typiquement ce que permet la branlette sur narratif et où elle emmène inévitablement. Mettre ensemble Collapsologues, Anti-Vax et autre survivalistes est une aberration et profondément nuisible à la lutte contre le complotisme, contre l’extrême droite et pour la santé publique.

De même, l’idée de la « reformulation néolibérale de la matrice terroriste originelle », de la part de gens qui sont décrits dans la phrase suivante comme hostiles au capitalisme et méfiants à l’égard du libre échange, devrait simplement être risible et prise dans toute l’étendue de son ridicule. En réalité, ce genre de contradiction jetées ainsi d’une phrase grandiloquente à l’autre, est possible grâce à la matière conspirationniste et à son adaptabilité remarquable. C’est typiquement la branlette sur narratif qui permet de dire une chose et son contraire, et de toujours avoir raison, puisque les narratifs conspirationnistes sont contradictoire entre eux.

De la même manière, le préfet va jusqu’à évoquer le narratif de « la démocratie confisquée par l’état profond » en oubliant un détail pourtant important: Macron lui même avait utilisé l’expression Etat Profond. Il l’avait utilisé dans un sens particulièrement pervers, pour imposer son projet d’alliance avec Poutine et précisément contre les démocrates qui étaient contre. La dénonciation de “l’Etat-Profond” lui servait alors à assumer pleinement le rapprochement de la démocratie avec la dictature, rapprochement qui serait empêché par l’État Profond anti-Poutine.

Critique du pouvoir pour les nuls

La branlette sur narratif permet d’aller toucher au domaine du non-vérifiable et du mélange entre les faits et l’opinion. Et dès lors, de toucher à l’opinion des gens et de juger de leur opposition au pouvoir.

Frédéric Lordon, défenseur du complotisme, fait exactement ça dans ses textes sur le sujet (Frédéric Lordon a écrit une demi-douzaine de texte sur le complotisme, répétant peu ou prou la même chose, notamment “le complotisme de l’anticomplotisme”). Ainsi, le geste de Lordon et celui de Clavreul sont en tout points similaires: le conspirationnisme est une forme de critique du pouvoir des pauvres et Lordon la loue là où Clavreul la prépare à recevoir des balles de LBD dans les gencives.

Mais pour l’un comme pour l’autre le complotisme est une théorie du pouvoir pour les ploucs. Pour Lordon (et Ruffin) c’est génial, les ploucs doivent pouvoir avoir accès à cette forme de critique qui leur est accessible. Pour Clavreul c’est terrible, les ploucs ne doivent pas critiquer le pouvoir. Et puis pour d’autres experts ça va alterner entre « c’est terrible » les jours pairs et « c’est très bien » les jours impairs.

Et plus encore, pour l’un comme pour l’autre le complotisme vient des classes populaires et s’est diffusé aux classes bourgeoises: « ce complotisme s’est répandu, y compris parmi des couches relativement favorisées de la société, mais une bonne partie de son pouvoir de dévastation s’est émoussé, » écrit Clavreul.
Pour Lordon le complot est l’apanage des puissants, et par voie de conséquence, le complotisme qui dénonce les puissants est la façon dont les basses classes vont pouvoir critiquer les puissants. Le complotisme est ainsi pour Lordon « un effort d’individus ordinaires pour se réapproprier la pensée de leur situation, la pensée du monde où ils vivent, confisquée par des gouvernants séparés entourés de leurs experts. Bref, un effort, ici dévoyé, mais un effort quand même, pour sortir de la passivité. ». Une forme de spinozisme pour les cons ordinaires, qui n’ont pas lu Lordon.

Lordon et Clavreul se placent ainsi aux deux bouts du même spectre. Clavreul utilise l’anti complotisme pour se placer en défense du pouvoir et imposer, sur tous les sujets, une domination intellectuelle à ceux qui veulent défendre le pouvoir. Lordon va utiliser le complotisme pour faire exactement la même chose de l’autre côté sur ceux qui veulent contester le pouvoir. Clavreul prend avec ça le créneau islamophobe et surfe sur le cliché des complotistes terroristes communautariste. Pour Lordon, c’est le créneau antisémite et les clichés sur la finance et les médias contrôlés par un petit groupe de dominants comploteurs qui utilisent l’arme de l’antisémitisme pour interdire de contester leur pouvoir.

Alternatif

Lordon et Clavreul fonctionnent sur le même schéma, le complotisme est un truc de plouc, et la branlette sur narratif du préfet ou la critique des médias du philosophe, se posent comme des versions éclairées qui permettent aux sachants d’asseoir leur supériorité sur les ploucs. Mais là où le préfet islamophobe qui écrit dans Conspiracy-Watch est fier d’incarner le système, Lordon, qui étale son complot Rothschild dans le monde-diplo, apparaît comme l’alternative, l’alter-système.

Cette notion d’alternative est absolument fondamentale, tant aux complotistes qui l’exploitent qu’aux anti-complotistes qui continuent de l’ignorer à coup de poncifs qui permettent à la branlette sur narratif de perdurer.

« le complotisme vient de la crise de confiance dans les médias », poncif éculé des experts à la fois pro ou anti-complotisme. En réalité toute la désinformation est basée au contraire sur une immense confiance dans les médias et la captation de cette confiance par des acteurs alternatif et se présentant comme alternatifs. Ces acteurs imitent tous les codes visuels et narratifs des médias traditionnels, jusqu’aux titres, aux logos ou aux noms imitant ceux des médias mainstream. Il est extrêmement rare en réalité de tomber sur des sites où aucune information vérifiée provenant des médias traditionnels ne serait présente, mélangée au reste. Le simple fait de partager une info sans la vérifier ou sans cliquer sur le lien, acte caractéristique de la diffusion des théories complotistes, n’est pas la marque d’un manque de confiance mais tout le contraire. Le site complotiste les-crises par exemple copie colle des articles entiers des médias mainstream, qu’il publie cote à cote avec de la propagande de Poutine. La page Facebook de Thinkerview, média complotiste et pro-Poutine, ne poste que des articles de médias mainstream, et c’est avec ça qu’il entretient son immense communauté qui assiste ensuite religieusement à ses interview – fleuve de personnalités « alternatives », pro-poutine, fasciste, antisémite, Chouard etc.

L’alternatif s’étend à tous les domaines, narratifs alternatifs, pratiques alternatives, sciences alternatives.

La méconnaissance de ce phénomène par l’anti-complotisme a pour effet (ou pour cause) de transformer l’anti-complotisme en défense du système et le complotisme en alter-système, chacun bénéficiant des mêmes créneaux et avantages et donnant cet effet de miroir. Et autant les alter-systèmes usent et abusent de la confiance dans les médias et des informations vérifiées, pour faire tourner leurs médias alternatifs, autant chez les défenseurs attitrés de la « République » on n’hésite pas non plus à profiter du filon du complotisme mainstream.

Il n’est ainsi pas rare de trouver chez les adeptes du printemps républicain, dont les chefs pourtant se réclament de Conspiracy Watch, des complots sur Soros, et des liens idéologiques et pratiques avec les pires organes de propagande de Poutine. Ou encore le site « onvousvoit.fr » au nom angoissant et avec l’oeil Bleu Blanc Rouge qui s’est donné pour mission de débusquer les femmes voilées en 43 eme positions des listes électorales. Ils fournissent ainsi aux grandes figures du Printemps Républicain un matériau parfaitement complotiste d’une cinquième colonne infiltrée pour prendre le pouvoir, mais que les chefs pourront recycler sur leurs murs en faisant passer ça pour de la vigilance républicaine anti-communautariste.

C’est aussi l’échec de cette notion d’alternatif qui empêchera les anti-complotistes de comprendre et d’analyser la plus incroyable innovation du moment: Didier Raoult, assumé comme scientifique alternatif au système, et son remède miracle contre le Covid-19, la Chloroquine qui, en faisant office d’alternative au vaccin big Pharma, est en passe de propulser les anti-vaxx dans le monde d’après.

Activist, master in History, master in War Studies, spare time freedom researcher, reggae DJ and revolution writer. bloqué par Nadine Morano

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