Solidarité inconditionnelle avec Urgence Palestine.

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Un génocide ne peut advenir par la seule force militaire. Ce qui permet sa réalisation, c’est l’assentiment actif, assumé ou non, de forces sociales et politiques massives, notamment par la neutralisation et la disqualification des forces qui cherchent à être solidaires des victimes.

Ce rappel préliminaire est nécessaire dans le contexte français actuel, lorsqu’il s’agit de débattre d’une tribune contre Urgence Palestine, le collectif unitaire sans lequel il n’y aurait tout simplement pas de mobilisation pour la Palestine. Ses membres fondateurs sont ceux qui ont été là dès le 8 octobre, dans le cadre d’une répression massive visant à empêcher toute mobilisation même minimale. Si Urgence Palestine est la tête du mouvement, c’est parce qu’il est le mouvement tout entier, son émanation naturelle. La concentration de toutes les énergies, les anciennes et les nouvelles. Quiconque a engagé son corps ailleurs que sur les réseaux sociaux le sait, parce qu’il a tout simplement obéi à ce sentiment d’urgence absolue qui a suivi les déclarations ouvertement génocidaires de Netanyahu et de son gouvernement. Il n’y aucun moyen d’attaquer Urgence Palestine sans attaquer la solidarité contre le génocide.
Au moment où celui-ci s’intensifie, au moment où l’armée israélienne massacre à Rafah ceux à qui elle a ordonné de s’y rendre s’ils ne voulaient pas mourir, il n’y a aucun hasard dans la publication d’une tribune qui demande en réalité aux gens de ne plus se mobiliser pour la Palestine, en boycottant le collectif unitaire qui mène la mobilisation avec l’assentiment de tous et toutes.

Ce serait déjà grave et contraire à toute éthique morale et politique si l’enjeu était seulement l’aggravation de la répression. Cette tribune est en soi un pathétique brouillon pour un décret de dissolution clé en main contre les organisations visées, un réquisitoire introductif pour des perquisitions à six heures du matin contre les camarades, frères, sœurs et organisations visés nommément. Les signataires le savent, au point d’avoir ajouté un post-scriptum sur la répression, en précisant bien qu’ils n’en seront auxiliaires éventuels qu’à l’insu de leur plein gré, et qu’il ne saurait leur en être tenu rigueur.

Ce serait déjà grave, car ce réquisitoire vole éhontément les combats de ceux, qui dans les années 2010 ont mené la lutte contre l’antisémitisme dieudonniste et soralien et contre celui de la gauche, en leur donnant un sens unilatéral. Nous en sommes, et pas des moindres et ce n’est pas d’avoir refusé de défiler avec Darmanin contre les Palestiniens qui autorise ceux qui l’ont fait à réécrire l’Histoire de nos combats.Nous en sommes et nous assumons nos erreurs, celles d’avoir été aveugles sur l’islamophobie ignoble de tant et tant de nos compagnons de route et d’avoir donc été islamophobes nous-mêmes. C’est ce qui a amenés Lignes de Crêtes à décider qu’une nouvelle époque s’ouvrait et à travailler avec des gens qui ont fait de même.
Notamment Elias d’Imzalene, que nous citons particulièrement car il a nous accordé sa confiance. en acceptant de donner un écho à la mesure de son audience importante à la lutte contre l’antisémitisme, notamment dans un Space X où l’un des relais enthousiastes de cette tribune et membre fondateur de Golem put exprimer sa douleur, son vécu et celui des siens après les attentats antisémites en France devant des centaines de frères et sœurs musulmans.

Honte à ceux qui après cela osent dénoncer en sachant quelles en seront les conséquences possibles. Qu’ils aient au moins la décence de ne pas le faire au nom des morts. Honte à celles et ceux qui en réalité veulent tout, sauf une nouvelle ère antiraciste, et qui sont tellement dans l’incapacité de trouver de l’antisémitisme dans la mobilisation actuelle qu’ils en sont à remonter à une décennie en arrière, où à applaudir l’annulation de projections de films sur la Shoah, parce qu’il y a des invités arabes au débat.

La lutte contre l’antisémitisme, n’est pas le sujet de cette tribune. Elle n’en parle pas, sauf pour faire des copiés collés de Taguieff, avec une inculture crasse pour des libertaires. Lorsqu’on somme les musulmans de se soumettre à un énième not in my name, on pourrait avoir l’élégance de commencer par soi-même quand on remonte aux années 50. Citer Johann Von Leers comme éminence grise des islamistes, c’est d’abord oublier qu’il fut surtout conseiller de Nasser, star actuelle des documentaires laïcistes, pour ses diatribes contre les Frères Musulmans. Et c’est surtout assez caustique lorsqu’on sait que Von Leers travaillait à l’époque avec Paul Rassinier, premier des négationnistes français de gauche, membre de la Fédération Anarchiste, et défendu alors même qu’il participait ouvertement à des congrès néo-nazis. Détail de l’Histoire, sans doute…

Néanmoins, cette tribune ne serait qu’un épisode sans intérêt de la longue déchéance de l’antiracisme prétendument universaliste et de son rôle d’accompagnateur anecdotique de l’islamophobie d’Etat, si nous n’étions pas en plein génocide. Si la solidarité musulmane internationale n’était pas essentielle pour sauver des vies, simplement cela. Si particulièrement en France, le combat pour faire exister cette solidarité face à un gouvernement totalement aligné sur les positions fascistes israéliennes n’était déjà pas si difficile. Cette fois les choses prennent une autre dimension et méritent une réponse ferme sur le fond.

Nul n’a à se justifier de ses positions concernant la résistance armée palestinienne. Quelles que soient les pressions, nul n’a à répondre aux mauvaises questions des islamophobes, parce que ce ne sont pas eux qui décident des termes du débat dans notre camp. En plein génocide la question ne sera jamais de savoir s’il faut ou non condamner le Hamas, à part au commissariat où comme chacun le sait, le droit au silence existe encore.

Quant au débat politique démocratique à gauche, il porte sur un tout autre sujet : de quoi se rendent coupables ceux, qui en pleins massacres, demandent aux Palestiniens de correspondre à leur idée de la victime parfaite, pacifique et sans doute aussi sommée de rédiger ses communiqués en écriture inclusive ? De quoi se rendent coupables ceux qui dénoncent l’inhumanité des prisonniers des nouveaux petits Guantanamo de Tsahal au moment où on les déshumanise pour les torturer et les assassiner sans procès ? De quoi se rendent coupables ceux qui préfèrent un Palestinien mort à un Palestinien « islamiste »? Voilà les seules questions du débat à gauche, et elles sont cruciales.

La première des réponses et la plus simple, pour celles et ceux, qui comme nous n’ont aucune qualité pour parler des questions internes à la politique palestinienne, consiste à faire front autour d’Urgence Palestine et des organisations visées à la fois par Darmanin et cette tribune, notamment Europalestine, Perspectives Musulmanes, les Indigènes de la République et l’UJFP. Et ce quelles que soient les divergences et même les affrontements passés. Et se rappeler que même à l’heure des réseaux sociaux et du grand déballage permanent, la dignité devant Darmanin consiste d’abord à régler les conflits éventuels sans prendre à parti publiquement le ministère de l’Intérieur dans un média censé être antiraciste, surtout quand on sait parfaitement qui il va soutenir.

Que vive la résistance du peuple palestinien, dans son ensemble.