"Je n'ai pas vécu la liberté, mais je l'ai écrite sur les murs" (la révolution syrienne)

Nos droits

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Crédit Photo: Yanis Mhamdi (@yanmdi)

Il a fait beau cette année, un premier mai comme on en rêve. On a marché tranquillement au son de la batucada pendant qu’au loin sur le boulevard fusaient les lacrymogènes. Les camarades étaient aux aguets, rapport à l’attaque de l’année dernière – un paquet d’autonomes avaient fondu sur le SO à la fin de la manif’, et il y avait eu pas mal de de blessés. Alors on a gardé l’oeil ouvert, même si certains toto venaient nous saluer de bonne foi. Nombreux chez nous ceux qui viennent du bloc ; et puis dans les luttes ça finit toujours par se connaître.

On a vu passer un couple de bouffons avec une pancarte contre l’OTAN en Ukraine et un ancien mec important à gauche viré pour antisémitisme mais pourtant toujours là, pas si discrètement. On pouvait pas briser la ligne alors on a rongé notre frein.

Des camarades devant se sont retrouvés coincés avec le bloc, persuadés qu’il y avait un camion CGT devant. Je crois aussi que l’un des copains aiment l’odeur du feu et du spectacle. En passant devant un Naturalia dévasté ils ont rigolé devant l’inscription « Supermarché bio coopératif » au marqueur noir sur le mur – et hésité à se servir, soyons francs. Puis ils ont eu un peu peur pendant une bousculade – cinquante corps plaqués contre un mur, à en couper le souffle. Baladés entre des lacrymos, des explosions de grenades, des charges sorties de nulle part, bref, coincés dans la nasse. Comme un paquet de manifestants pas spécialement énervés, qui voulaient seulement marcher à leur rythme. À chaque arrêt du carré de tête je regardais mes textos, un peu inquiet.

Derrière nous tout s’est bien passé : les musiciens ont tenu le rythme et, si on s’est gentiment foutu de la gueule des animateurs du camion, les pieds trépignaient sur un remix de Work bitch de Britney. À mesure qu’on avançait sur le boulevard apparaissaient les vitrines éclatées et les tags sur les agences immobilières et les banques, systématiquement démolies.

Mention spéciale pour le « Ⓐntispéciste » sur une boutique anti-poux : personne n’a pu dire à 100% si c’était de l’humour. Parfois on entendait les échos des chants de premières lignes, qui donnent toujours un peu envie.

Pour l’honneur des travailleurs,
Et pour un monde meilleur,
Même si Macron ne le veut pas
Nous on est là…

Mais finalement arrivés à Nation le bloc était dissous et le ciel était ouvert au-dessus de la place, immense. Les copains buvaient des canettes sur le terre-plein central. Il n’y avait plus que la foule et le soleil au-dessus et, un instant, presque le silence.

On a commencé à chanter l’Internationale.

Doucement d’abord, et même faiblement sur les couplets que l’on ne connaissait pas tous. Puis, au refrain, toutes les gorges ensembles, ce fut beau. Quelques camarades avaient le poing levé, tête penchée en avant. On a dépassé des Gilets Jaunes qui nous traitaient de collabos, et d’autres trucs incompréhensibles, mais on était trop nombreux pour que ça compte.

Au moment des dernières manœuvres pour sortir les camions, deux quarantenaires sont venus faire de la provoque mais on n’a pas répondu. Derrière un fourgon de CRS plus loin, trois mecs menottés, au sol. Plus tard au bar on debrief en regardant les quelques vidéos qui buzzent. D’abord celle d’un toto complètement con qui emmerde un pompier avant de le frapper. Puis celle d’une charge de robocops qui interpellent un mec et en profitent pour tabasser une meuf à terre. Quand ils se retirent avec le suspect, la victime reste au sol, le crâne ouvert. Entre ça et des vitrines pétées, c’est vite vue.

Ce sera socialisme ou barbarie.

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