"Je n'ai pas vécu la liberté, mais je l'ai écrite sur les murs" (la révolution syrienne)

“La soupe sera servie à 11h30” – Que commémore-t-on le 11 novembre?

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Le 11 novembre 1918 à 11 heures toutes les cloches de France sonnent à la volée.

On entend des cris “cessez-le-feu!” Et la Marseillaise résonne à tue-tête et gorge déployée. Un énorme soulagement envahit toute l’Europe; quatre ans de massacre prennent fin. L’armistice a été conclu le matin-même à 5h20 entre les Allemands et les forces de l’Entente, sur la Clairière de Rethondes à Compiègne.

“L’armistice suspend les opérations de guerre par un accord mutuel des Parties belligérantes. Si la durée n’en est pas déterminée, les Parties belligérantes peuvent reprendre en tout temps les opérations, pourvu toutefois que l’ennemi soit averti en temps convenu, conformément aux conditions de l’armistice.”

En raison de la date et de l’heure très précise de l’arrêt des combats à 11h (le 11ème jour du 11ème mois de l’année), voulue par le maréchal de France Ferdinand Foch, on a pu identifier le dernier soldat français mort de la Première Guerre mondiale. Il s’appelait Augustin Trébuchon et ce poilu était chargé à 10h50 soit 10 minutes avant que les cloches retentissent la fin des combats, pour une ultime mission, d’apporter un message à son capitaine positionné à 2 kilomètres de là. “La soupe sera servie à 11h30”. Cette soupe à la saveur de la fin de la guerre, qu’il ne mangera donc jamais. De cette mort, l’armée française n’est point fière et la falsifie pour qu’elle soit datée du 10 novembre.

Ceux et celles qui sont morts les jours suivants le 11 novembre ne seront plus considérés comme des morts de la Première Guerre mondiale. La guerre est finie.

L’armistice, ce mot qui a pris une couche de poussière (auf deutsch: Waffenstillstand), nous vient du verbe latin sistere “s’arrêter” et arma “armes”.

Un armistice (qui était d’abord féminin puis masculin) est défini de la manière suivante selon le règlement de la Haye (1907):
“L’armistice suspend les opérations de guerre par un accord mutuel des Parties belligérantes. Si la durée n’en est pas déterminée, les Parties belligérantes peuvent reprendre en tout temps les opérations, pourvu toutefois que l’ennemi soit averti en temps convenu, conformément aux conditions de l’armistice.”

Ce mot étrange et désuet dont on ne sait plus trop ce qu’il signifie exactement est conservé tel quel jusqu’à aujourd’hui, car qui s’en écarte pour commémorer autre chose, risque de sombrer dans les méandres idéologiques complexes de la mémoire compliquée de la Première Guerre Mondiale.
La Première Guerre mondiale est une boucherie nationaliste lors de laquelle la “civilisation” montre l’étendue de sa barbarie. L’armistice est un arrêt provisoire des combats, signé pour 36 jours et c’est celui-là qu’on célèbre: l’arrêt des combats, la fin de la boucherie.

De cette boucherie absurde et sans nom émerge aussi l’idée, absurde elle aussi mais magnifique, que cette guerre est forcément la dernière. La “der des ders” comme on l’appelle ensuite mérite qu’on meure pour elle et qu’on s’y sacrifie puisqu’après, il n’y aura plus de guerre, “the war to end all wars” comme l’appela H.G Wells. La mort et le sacrifice de la première guerre mondiale peut paraitre étrange lorsqu’on regarde en arrière sans un oeil d’extrême droite. L’idée de mourir dans la boue pour une “Nation” en tuant le pauvre type de la “Nation” d’à côté, fusillé pour l’exemple par le Général de Division Pétain qui n’aime pas qu’on refuse de mourir, ou dix minutes avant la fin pour prévenir de la soupe, les absurdités de cette guerre absurde ne manquent pas. Les choses magnifiques non plus. Mais l’on a cru aussi que cette guerre serait la dernière, et des soldats de 14-18 sont morts avec cette idée en tête: accepter d’aller mourir pour qu’il n’y ait plus jamais de guerre…

Dans le texte et sur les champs

L’armistice est un texte négocié par les autorités militaires. Radicalement différent d’un traité de paix mais plus qu’un cessez-le-feu.
Le texte de l’armistice de 1918 n’est pas vraiment tendre pour l’Allemagne et constitue bel et bien un texte de victoire militaire négocié par des chefs victorieux. Il est cependant accueilli par des liesses populaires partout. La fin des combats de la plus horrible guerre que l’humanité ait connu jusqu’alors. (La vidéo des scènes de liesse ici)

Alors on célèbre le jour ferié de l’armistice, on commmémore les morts…
Depuis 2012 Sarkozy a remodernisé un peu le 11 novembre, en en faisant une “cérémonie de Tous les morts pour la France”. Alarmé en 2008 par “l’inflation commémorative”, et jugeant qu'”il n’est pas admissible que la nation cède aux intérêts communautaires et que l’on multiplie les journées de repentance” (et aussi inquiet qu’on se retrouve avec trop de jours feriés), la commission Kaspi préconise de ramener à trois dates les commémorations nationales. Sarkozy fait passer la loi du 28 février 2012 qui fait du 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France, lorsque la mention « Mort pour la France » a été portée sur son acte de décès.

Le mort inconnu et sans grade ou le victorieux Maréchal de France?

Le 11 novembre on célèbre aussi le soldat inconnu. Ce pauvre homme, (dont on ne connait pas l’identité, mais dont on s’est assuré qu’il n’était ni allemand ni colonial), est inhumé sous l’Arc de Triomphe et lui aussi rappelle que la population se sent plus de commémorer la mort dans l’anonymat du soldat de base que de célébrer la gloire victorieuse des grands généraux. Idée tant symbolique que pratique: la boucherie ne permet souvent pas de retrouver tous les corps encore moins de les identifier. L’idée de célébrer un soldat anonyme plutôt qu’un chef militaire, est indissociable du traumatisme créé par cette guerre et spécifiquement par celle là.

La tombe du soldat inconnu, ainsi que la flamme qui y brûle toujours (ravivée à 18h30 par le Comité de la Flamme), empêchent en pratique les armées de défiler sous l’arc de triomphe (ce qui est normalement censé être le but premier d’un arc de triomphe).

Un endroit de triomphe donc où ne passent plus les armées “victorieuses”, mais où doit brûler éternellement une flamme entretenue à la mémoire d’un soldat sans nom ni identité…
Endroit un peu sacré de fait, les Gilets Jaunes ont dégradé l’arc de triomphe, mais ont pris soin de protéger la tombe du soldat inconnu et sa flamme.

C’était aussi l’endroit où les élèves du lycée musulmans MHS, pouvaient aller raviver la flamme du soldat inconnu. Ils ne pourront plus, le Lycée MHS ayant été fermé pour cause de “séparatisme” par la folie islamophobe actuelle, c’était en décembre 2020. Le 11 novembre 2021 c’était la Grande Mosquée de Paris à qui on interdisait les commémorations

Officiellement le 11 novembre est férié par la loi du 24 octobre 1922 qui stipule que “La république française célèbre annuellement la commémoration de la victoire et de la Paix” et que “Cette fête sera célébrée le 11 novembre, jour anniversaire de l’armistice. Le 11 novembre sera jour férié”.

On oublie généralement de parler de “victoire” et de “paix” lorsqu’on commémore le 11 novembre. D’abord parce que la “victoire” n’en est pas vraiment une vu le prix payé par les populations (encore bien visible sur une pyramide des ages de 1994).

Les “empires” ont succombé et la “Nation” a triomphé certes, mais le triomphe de la Nation, fait sur l’autel des millions de morts, n’a pas franchement apporté “la paix” promise mais plutôt une Deuxième Guerre mondiale.
L’autre problème de la “victoire” est qu’elle impose de célébrer les “Vainqueurs” et donc le boucher le plus illustre d’entre eux: le Maréchal Pétain, qui a eu le courage et la bravoure d’envoyer des centaines de milliers d’hommes se faire tuer pour un bout de colline à Verdun. Et la question de l’hommage aux chefs vainqueurs de la Première Guerre mondiale revient régulièrement, reposée par ceux qui ont intérêt à ce qu’on en débatte.

Car les hommages au sacrifice dans l’anonymat du soldat de base, plutôt qu’à la gloire victorieuse des grands généraux a un énorme défaut: elle célèbre le sacrifice dans l’anonymat du soldat de base et non la gloire victorieuse des grands généraux…
Ainsi pour le centenaire de l’armistice en 2018, le Chef d’Etat Major des Armées, le général François Lecointre tient “à ce qu’on rende également hommage aux chefs. Il ne faut pas laisser croire qu’il y avait juste le poilu, le combattant et personne au milieu d’eux”

Il propose donc une cérémonie, validée par l’Elysée, lors de laquelle on rendra hommage aux “Huits Maréchaux” qui ont “œuvré” pour la victoire finale”. Le président accepte d’y participer puis rétropédale dans la semoule: le Maréchal Pétain est bel et bien l’un des huit maréchaux qui ont oeuvré à la “victoire finale”.

Le président n’assistera pas en personne à l’hommage à Pétain mais il n’a toujours pas compris que rendre hommage au “vainqueur” de Verdun en particulier, et à la “victoire” de 1918 en général était un piège fasciste. Ou alors le président qui prévoit toujours de commémorer Maurras s’en fiche. Quoi qu’il en soit le fier Macron déclare en effet “légitime” de rendre “hommage” aux maréchaux qui ont conduit l’armée à la victoire”, y compris Pétain, estimant qu’il a été “pendant la Première Guerre mondiale un grand soldat” avant de conduire “des choix funestes” pendant la Deuxième Guerre en collaborant avec le régime nazi.
Il faut en effet distinguer l’homme de l’artiste, le Pétain de 1918 et le Pétain de 1940. Le boucher de Verdun a pu, pour certains, être aussi le sauveur de la France en 1940.

Paris, Verdun, Compiègne

Si le choix de commémorer la victoire ou l’armistice, les chefs vainqueurs ou les anonymes sans grades ont des conséquences symboliques et politiques immenses, le choix du lieu est aussi symbolique.

A Compiègne pour l’Armistice, à Paris pour le Soldat Inconnu sous l’arc de triomphe, ou à Verdun pour “La Victoire”.

Jean Michel Blanquer par exemple 2019 était devant les volontaires du Service National Universel, ce service inspiré des Chantiers de la Jeunesse de Vichy, pour leur adresser un discours de commémoration où il ne prononcait pas le mot “armistice”. Le discours cependant célèbre “le courage” de jeunes de 1914 qui, grâce aux “leçons reçues à l’école de la République, fille des Lumières” ont, “dans un monde terriblement semblable au nôtre, où les radicalités de tous bords voulaient s’arroger le monopole de la parole” su “faire parler les armes” pour “protéger l’identité de la Patrie” en résistant à “ la loi de la meute conformiste, excitée, fanatique”. (Blanquer dans son délire finit même par citer Jaurès, mort assassiné par un nationaliste le 31 juillet 1914 pour s’être opposé à la guerre. Son assassinat permet le ralliement des socialistes à l’Union Sacré et l’entrée de la France dans la 1ère guerre mondiale.)

Si la lutte contre la meute conformiste radicale qui veut qu’on puisse plus rien dire devant les volontaires du Service National Universel est évidemment le choix de Jean Michel Blanquer, la “Victoire” à Verdun sera évidemment le choix de Marine le Pen. Pour le centenaire en 2018, elle était à Verdun pour un “Banquet pour le centenaire de la Victoire” organisé par Rassemblement National en compagnie de députés du Vlaams Belang, de l’UKIP britannique ou de membres de la Douma. Ils ont chanté “la Madelon”. Il y a les photos.
La “victoire” qu’elle tient à célébrer de nouveau cette année.

Compiègne, en revanche, est le lieu de l’armistice. Le texte de l’armistice n’est pas tendre pour l’Allemagne et le mémorial de Compiègne ne l’est pas non plus. Au mémorial se trouve une statue d’un énorme aigle allemand, transpercé par un sabre français et une plaque commémorative sur laquelle figure l’inscription suivante:

Ici le 11 novembre 1918 succomba
le criminel orgueil de l’empire allemand
vaincu par les peuples libres
qu’il prétendait asservir.

Pourtant lors du centenaire de 2018, Emmanuel Macron et Angela Merkel ont commémoré l’armistice ensemble à Compiègne et dévoilé une nouvelle plaque en complément:

Même si l’Allemagne, elle, ne commémore pas l’armistice du 11 novembre.

La non commémoration de l’Armistice en Allemagne

Le 11 Novembre 1918 ressemble à une capitulation de l’Allemagne, même elle ne l’est pas officiellement: l’Armistice est fixée pour une durée provisoire de 36 jours puis sera prolongée à trois reprises. En effet, pendant d’âpres négociations à Trier entre le “Marschall Foch” et le secrétaire d’État Erzberger, on discute des demandes de réparations que l’Allemagne doit à la France et Erzberger tente d’expliquer que vue la situations en Allemagne (grève, révolution, détresse générale), celle-ci ne pourrait pas payer ses dettes.

Un extrait du livre des écrits de Matthias Erzberger – intitulé “Erlebnisse im Weltkrieg” (Expériences de la Guerre mondiale) démontre l’abattement de la défaite des Allemands:
“Le général Winterfeldt et le capitaine Banselow avaient les larmes aux yeux, quand ils furent forcés de prendre la plume. Je déclarai en rassurant que nous nous donnerions toute notre peine pour remplir nos obligations. Et je constatai que certaines des conditions de l’armistice ne seraient pas réalisables.” La déclaration se terminait avec les mots de Erzberger suivants : “Un peuple de 70 millions souffre mais il ne meurt pas. Auquel Marshall Foch me réponditt: “Très bien”. À 5h30 les deux délégations se disent au revoir en se levant de leurs chaises; aucune main n’était serré.”

Pourquoi le 11 novembre n’est-il pas fêté en Allemagne?

Les Allemands ne savent pour la plupart même pas ce qui s’est passé le 11 novembre 1918. Cela est dû en partie au manque d’enseignement de la Première Guerre mondiale dans les écoles, où l’on parle plus de la Shoah et de la Deuxième Guerre mondiale.
De plus, la date du 11 novembre en Allemagne est connue pour être celle du début de Carnaval où le 11.11 à 11h11 les mairies, les écoles et toutes les institutions publiques sont envahies par les “Narren” ( “fous”, “insensés”; personnes déguisés, maquillés en clowns etc.). Le 11 étant le chiffre qui se trouve, dans la tradition chrétienne, un peu de manière incensée à cheval entre celui de 10 pour les commandements et de 12 pour les apôtres.

La Guerre de 14-18 est donc beaucoup moins présente dans l’esprit des Allemands: Il n’y a quasiment pas de mémoriaux, le tout premier étant installé seulement en 1929. Après la Première Guerre mondiale il y a en Allemagne un grand débat sur la manière dont on allait commémorer la guerre et si l’on devait privilégier le deuil des morts ou l’hommage aux martyrs. Les soldats étaient-ils des victimes ou des héros? On ne savait pas trancher.

La gauche d’après-guerre ne voulait pas d’un langage glorifiant la guerre. Des groupes avant-gardistes comme “Das Junge Rheinland” dont faisait partie Jupp Rübsam, un sculpteur allemand, réalisait des mémoriaux qui représentaient des soldats couchés dans la poussière, contre l’idée “arisch” des national-socialistes qui souhataient les montrer dans des positions héroïques.
Après 1933 de plus en plus de monuments en mémoire à Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg sont détruits par les nazis, ainsi que d’autres lieux et sculptures pacifistes comme celles de Käthe Kollwitz et Ernst Barlach (la pièta).

D’autre part, la mort en masse sans précédent durant la Première Guerre mondiale eut aussi pour effet que la plupart des soldats tombés dans la guerre furent enterrés directement au front et ce souvent de manière anonyme. Les morts enterrés au Front de l’Est n’ont même jamais pu être honorés pour cause de Révolution Russe en cours. Au Front de l’Ouest, cependant, de grands cimetières militaires apparaissent avec des rangées de tombes avec des noms, sans même plus mentionner les grades, pour mettre en scène l’immensité des morts de la guerre. Les membres de familles des soldats morts au front ne pouvaient toutefois pas se rendre aux tombes de leurs pères et fils en France et Belgique, les trains ne transportant pour la plupart pas les civils.

L’immensité de nombre de victimes force les chefs de guerre à trouver des solutions et législations juridiques, au plus vite, pour organiser les cimetières militaires. Au cours des premiers mois de guerre, les tombes de masse étaient courantes. Côté français général Joseph Joffre donne l’ordre de ne pas dépasser le nombre de 100 morts par tombe; chez les Britanniques le maximum était 6 victimes qui devaient être enterrées têtes-bêches; chez les Allemands la tombe individuelle était tout de suite la norme.

Contrairement à la France qui donne beaucoup d’importance à l’Armistice du 11 novembre 1918, on retient en Allemagne plutôt la date deux jours plus tôt, le 9 novembre 1918, de la fin de l’Empire Allemand et la double proclamation de la république. En effet la république est proclamée une fois par Karl Liebknecht, qui veut une “république socialiste libre d’Allemagne”, mais qui est prit de vitesse par Philipp Scheidemann qui la proclame deux heures plus tôt. L’Allemagne passe d’une monarchie à une république parlementaire démocratique.

Suivra la Révolution Allemande (1918-1919), dont les divisions entre socialistes radicaux et modérés sont stabilisées par l’adoption de la constitution de Weimar en août 1919.

Ainsi, de nos jours il faut chercher pour trouver des vestiges de la Première Guerre mondiale en Allemagne, tandis qu’en France on en trouve au cœur de chaque village. À Berlin par exemple il n’y a plus qu’une douzaine de tombes de soldats de la Première Guerre mondiale et, dans le musée de l’histoire allemande à Berlin, la date de l’Armistice est à peine évoquée. L’histoire de la Guerre Froide et de la Seconde Guerre Mondiale y prennent beaucoup plus de place.

Il y a d’autres raisons qui empêchent de commémorer l’armistice du 11 novembre 1918.
Le 9 novembre est également trop proche de la date des pogroms de novembre en 1938 (nuit du 9 au 10 novembre) et du coup d’état (raté) d’Hitler en 1923. Le 9 novembre est aussi la date la chute du mur de Berlin qui lui est célebré.

Il n’y a donc aucune commémoration officielle le 11 novembre en Allemagne due à l’ambivalence de cette date.
La mutinerie de Kiel en novembre 1918, suite à laquelle l’empereur abdique: Les Allemands se rappellent plutôt de l’effondrement d’un empire; et si en Allemagne on regarde la Première Guerre mondiale, c’est surtout pour y trouver les faits qui ont mené à la Deuxième.

L’Allemagne commence très tard à participer aux commémorations.
En 2009 Angela Merkel est la première chancelière à participer aux célébrations de l’armistice du 11 Novembre 1918 à Paris. Même Schröder à décliné en 1989. En 2018, pour les 100 ans de l’Armistice, Merkel se rend à Compiègne; elle est aussi le 1er chef d’état allemand à se rendre à Compiègne.

Après la guerre, de nouveaux mythes surgissent.
“Après la guerre, les nationalistes allemands ont montré du doigt la mutinerie de Kiel et la révolution de 1918. Dans leurs discours, l’armée allemande n’avait jamais été battue et l’armistice avait été imposé par les révolutionnaires. Un mythe qui a largement contribué à la fragilisation de la République de Weimar et à l’essor du nazisme dans les années 1920” Lien

De nombreux néo-nazis ne reconnaissent aujourd’hui toujours pas l’armistice de 1918 et surtout pas le Traité de Versailles.
Ils s’inspirent notamment de Joseph Goebbels qui appelle le 11 Novembre 1918 “die Ursünde aus der alles andere folgte” (le péché originel qui a pour conséquence tout le reste).
Ne pas reconnaître l’Armistice de 1918 permets aux néo-nazis d’aujourd’hui de se voir comme de sortes de soldats dans un pays toujours en guerre, et ainsi de justifier pour certains la violence et leurs crimes.

Mais c’est surtout suite au Traité de Versailles, que les nazis de l’époque considéraient comme une “paix de déshonneur” (Schandfrieden), que le mouvement “völkisch” prend une autre ampleur et se radicalise.

Aujourd’hui des néo-nazis se rassemblent pour des concerts de rock d’extrême droite en Alsace-Lorraine qui est devenu un Eldorado pour eux. Ils considèrent en organisant ces évènements, ou en hissant un drapeau nazi dans la partie germanophone de Belgique à Eupen comme en 2013, que Ostbelgien, le Tirol du Sud, l’Alsace-Lorraine et l’Autriche font toujours partie de l’Empire Allemand.
Des chansons avec des paroles nazies qui sont interdites en Allemagne, ainsi que la croix gammée et le salut nazi, ne le sont pas dans les autres pays européens, où les néo-nazis les brandissent sans gène.

En 2019 l’AfD (parti d’extrème droite allemand) et le complotiste et antisémite Ken FM complimentent pour le centenaire du traité de Versailles, le livre “Encore et toujours Versailles. Un centenaire sous la loupe” de Willy Wimmer et Alexander Sosnowski (“Und immer wieder Versailles. Ein Jahrhundert im Brennglas”, Mai 2019) dont la publicité déclare: “Avec le Traité de Versailles on donne le verdict qui désigne l’Allemagne comme seul coupable. Ainsi est enfoncé la porte de l’enfer”. Mais selon eux, l’enfer est-ce le national-socialisme, ou l’humiliation des Allemands dû aux réparations? La perte de territoires et l’interdiction du réarmement ? Leur image de rêve consiste à libérer les Allemands de toute culpabilité par rapport aux deux Guerres mondiales et au national-socialisme (dont l’Entente serait coupable), sans oublier évidemment le bouc émissaire des USA.

Un wagon à 1000 vies devenu objet fétish

Un autre symbole a réussit à passer de la première à la seconde guerre mondiale et de la France à l’Allemagne.

Le wagon de Compiègne eut une grande valeur historique. En effet, dans cet ancien wagon de restauration ont eu lieu les discussions et la signature de l’Armistice du 11 novembre 1918 entre l’empire Allemand et les forces de l’Entente.
Il ne servit que très peu en tant que wagon de restauration en 1914, puis au début de la guerre il fut stationné à la gare du champs de mars à Paris avant de reservir en 1915, à nouveau entre Paris et Le Mans.
En 1918 il est transformé pour Foch en bureau et dortoir mobile, puis il fut utilisé par ce dernier pour les négociations du 16 décembre 1918 puis du 16 Janvier et des 13 et 14 avril 1919 à Spa en Belgique.
En 1919 il était donné par la compagnie internationale des wagons-lits (CIWL) en cadeau à la République Française sous l’ordre de Général Joseph Gassouin.

Il fut par la suite à nouveau transformé en wagon de restauration et servit en 1920 brièvement comme wagon du président (Alexandre Millerand y mangea pendant son trajet pour Verdun).
Mais le wagon ne satisfera pas très longtemps les estomacs des hommes d’État et fut à nouveau transformé pour retrouver son état de 1918 afin d’être exposé au musée de l’armée aux Invalides à Paris. On dû déplacer quelques colonnes pour le faire entrer par l’hôtel des Invalides car le wagon était trop large.
De 1921 à 1927 il resta là mais son état se dégrade car le musée manque de moyens pour le restaurer.
Il est alors restauré sous l’initiative du maire de Compiègne puis placé dans un musée sur la clairière de l’armistice, prévu à cet effet.

Cependant on ne le laisse pas finir sa vie au musée, car Hitler pour la signature de l’armistice du 22 juin 1940 fait extraire le wagon du musée afin de le remettre sur la clairière de Rethondes à Compiègne. Il choisit consciemment le même wagon et le même endroit pour la signature de l’armistice de 1940 pour humilier les Français et se venger des conditions sévères du Traité de Versailles.

Ensuite le wagon fut amené à Berlin et passa une semaine exposé devant le Dom à Berlin pour ensuite rester quelque temps dans un abri.
En 1944 le wagon est amené à Thuringen ( puis passe par Rhula, Gotha, Crawinkel puis Jonastal). À Jonastal il est probablement détruit par la SS en Mars 1945 au vu de l’avance de l’armée américaine.
D’autres scénarios disent qu’il fut détruit par une attaque aérienne ou par la société civile (des témoins l’ont vu incendié après l’occupation par l’armée américaine).
Le 16 septembre 1950 un wagon ressemblant fortement à l’ancien est de nouveau exposé sur la clairière de l’Armistice. Mais en Allemagne une partie du wagon original a pourtant probablement survécu à l’incendie et fut transformée à nouveau pour servir dans la RDA dans une usine d’aiguillages à Gotha avant d’être détruit complètement en 1986.

Quelques 11 novembres en France

Le 11 novembre 1919 un an après l’armistice c’est la discrétion qui est de mise. Une petite cérémonie en présence de Foch à la chapelle des Invalides. La raison est que le “défilé de la victoire” du 14 juillet de la même année a pris toute la place avec défilé des armées victorieuses suivies des fameux “maréchaux” vainqueurs passés en grande pompe sous l’arc de Triomphe (et pour la dernière fois).

Le 11 novembre 1920 on rend hommage pour la première fois à un soldat inconnu, représentant anonyme des “poilus”. La troisième république fête aussi son cinquantenaire et tient à constituer des commémorations républicaines et aussi à faire savoir que c’est elle qui est sortie victorieuse de la Grande Guerre.

Le 11 novembre 1921 on inhume un soldat inconnu sous l’arc de Triomphe et la célébration du 11 novembre devient à jamais liée avec celle du soldat anonyme mort.

Le 11 novembre 1923, on allume pour la première fois la flamme du soldat inconnu et le rituel se fixe

Le 11 novembre 1940 une manifestation d’étudiants et de Lycéens défient l’occupant Nazi quelques jours après la poignée de main entre Pétain et Hitler et suite à l’annulation, par Pétain, du jour férié traditionnel du 11 novembre.

11 novembre 1944: De Gaulle et Churchill descendent les Champs elysée en faisant un lien évident entre l’armistice de 1918 et la victoire et la libération de Paris.

11 novembre 1968
De Gaulle est bon en discours, c’est un fait. Le mot “victoire” n’est clairement pas le premier qu’on emploie et arrive au milieu du discours. Il rend hommage à Pétain nommément sans mentionner la suite de son parcours…
“le drame de la grande guerre se soit effacé de l’âme ni du corps des nations, et tout d’abord de la nôtre. Telles ont été, en effet, les dimensions physiques et morales de l’épreuve que rien ne fut plus après comme il en était avant. La société des hommes, toute entière : régimes, frontières, lois, force, relations entre les Etats, mais aussi doctrines, vie des familles, richesses, situations, rapports personnels, a changé de fond en comble.”
De Gaulle rappelle aussi cette idée fondamentale “l’idée que si on gagnait, il n’y aurait plus de guerre”.
Il célèbre aussi “Dans la phalange des officiers généraux qui commandèrent avec le plus d’éclat, huit maréchaux de France ont mérité d’atteindre au sommet de la gloire militaire”
De Gaulle dépose une gerbe de Fleur sur la tombe du maréchal en même temps que sur la tombe des 7 autre maréchaux “vainqueurs” de la 1ere guerre mondiale qui n’ont pas collaboré avec les Nazis par la suite.

En 1973 Pompidou fait aussi envoyer des fleurs sur la tombe du Maréchal collaborateur, lors d’une cérémonie de “réinhumation”. Le cercueil de Pétain vient en effet d’être volé par un commando fasciste qui entend le ré-enterrer à l’ossuaire de Douaumont sur le lieu de sa plus grande victoire. Le projet du commando fasciste échoue et le cercueil de Pétain est retrouvé en banlieue parisienne puis renvoyé à l’Ile d’Yeu pour être ré-enterré lors d’une nouvelle cérémonie en pas très grands pompes.

Le 11 novembre 1993 François Mittérand ne fait pas déposer une gerbe de fleur sur la tombe du “vainqueur” de verdun et collaborateur avec l’occupant nazi frappé d’indignité nationale, pour la première fois depuis 5 ans. En effet, la révélation de cette pratique du président Mittérand qui consistait à rendre hommage à Pétain en faisant discrètement fleurir sa tombe tous les ans a choqué l’opinion et Mittérand bien embêté a fini sous la pression par arrêté de fleurir la tombe du chef de la collaboration chaque 11 novembre.

Le 11 novembre 2012 Sarkozy rend pour la première fois hommage à tous les morts pour la France.

Le 11 novembre 2013 la cérémonie est perturbée par des militants frontistes avec des “bonnets rouges” qui prétendent lutter contre l’écotaxe.

Le 11 novembre 2018 Macron s’empêtre dans la polémique sur la commémoration de Pétain.

Le 11 novembre 2021 la Grande Mosquée de Paris était interdite de commémoration du 11 novembre…

le 11 novembre on commémore l’Armistice.
La fin des combats
Les morts pour la France, soldats, civils, anonymes ou absurdes,
Morts convaincus qu’un jour il n’y aurait plus de guerre

Baker at night. Anthropologist during the day.

Activist, master in History, master in War Studies, spare time freedom researcher, reggae DJ and revolution writer. bloqué par Nadine Morano

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