"Je n'ai pas vécu la liberté, mais je l'ai écrite sur les murs" (la révolution syrienne)

Cinquièmes colonnes

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Comment les musulmans et les juifs détruisent la France, et comment la bourgeoisie d’affaire nous en préserve

C’était la saga de l’été 2020, passée relativement inaperçue à cause du COVID. Une excellente enquête de Mediapart revenait, un an plus tard, sur le déroulé de l’affaire.

Tout commence par un signalement dans les rues de Créteil, vendredi 24 juillet 2020. Un plombier repère un véhicule suspect dans lequel deux hommes en noir, gantés, attendent on ne sait quoi dans ce quartier pavillonnaire tranquille. Craignant un attentat, il prévient la police, qui dépêche rapidement un véhicule sur place. La plaque d’immatriculation de la Clio, grossièrement recouverte de ruban adhésif, semble aux policiers un motif plus que suffisant pour procéder à un contrôle. Dans les poches des deux hommes aucun papier d’identité mais des couteaux à cran d’arrêt siglés « armée française ». Sur le tableau de bord, un tracker GPS ; et dans la boîte à gant, un pistolet semi-automatique Browning.

Le parquet décide rapidement que l’affaire mérite une attention toute spéciale, et les enquêteurs de la brigade criminelle retirent les suspects des mains de la police judicaire du Val-de-Marne à laquelle ils ont été d’abord confiés. Dans la nuit du 24 au 25, l’un des deux hommes commence à parler. C’est le début de ce que la police a nommé l’affaire « Légendes » en référence à la série d’espionnage mettant en scène des agents de la DGSE. Depuis, 15 personnes ont été mises en examen pour, entre autres choses, « meurtre avec préméditation », « tentative de meurtre », et « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime ». Parmi eux, quatre militaires travaillant sur un site de la DGSE, deux anciens de la DGSI et un policier.

Alors que les deux hommes expliquent travailler pour la DGSE, l’enquête révèle rapidement qu’ils remplissent en réalité des contrats pour le compte de commanditaires privés. Sur leur temps libre, ce sont de simples tueurs à gage.

Le passager de la Clio, Pierre B. alias Dagomar – la plupart des suspects utilisaient des noms de code dans leurs communications – est pourtant bien militaire, et travaille bien en qualité de garde sur un centre de formation de la DGSE. Comme son collègue Carl E. alias Adelard, c’est un soldat de carrière et comme lui, il agissait sous les ordres de Sébastien Leroy alias Arrows. Cet ancien de la DGSI sera interpellé dans le courant du mois par le BRI dans un appartement du 12ème arrondissement grâce à la géolocalisation de son téléphone. La capture d’Arrows permettra aux enquêteurs de mettre définitivement un terme aux agissements du réseau et de remonter aux commanditaires présumés du projet d’assassinat. Commanditaires qui étaient recrutés… au sein de la loge maçonnique Athanor, récemment fermée.

Depuis, la liste des victimes potentielles ne cesse de s’allonger. Le coureur automobile Laurent Pasquali, disparu en 2011 puis retrouvé enterré dans une forêt en 2019, aurait été l’une des premières victimes des tueurs, après avoir escroqué un couple à hauteur de cent mille euros. Le politique Henri Plagnol aurait fait appel aux services du réseau pour surveiller son rival Sylvain Berrios puis agresser l’un des amis de ce dernier, Jean-François Le Helloco. Un policier serait également impliqué dans le réseau, ayant fourni armes et matériel aux tueurs. Enfin, deux potentielles victimes d’assassinat s’en sont sorties grâce à l’intervention de la police.

D’abord Marie-Hélène Dini, une coach en entreprise que Dagomar et Adelard étaient chargés d’assassiner le jour de leur arrestation. Madame Dini avait déjà été agressée le 24 octobre par Arrows et un complice en vue d’une intimidation; mais le lien avec les deux tueurs n’avait tout d’abord pas été établi. Le commanditaire ? Jean-Luc Bagur, un chef d’entreprise concurrent qui voyait d’un mauvais œil le syndicat créé par madame Dini visant à encadrer les pratiques de coaching en France. L’attribution ou non d’un label aurait pu nuire à la rentabilité de son affaire. Pour cinquante milles euros, elle aurait été « neutralisée ».

Ensuite, Hassan T., délégué syndical CGT de l’entreprise de plastique Apnyl dans la « plastics vallée » de l’Ain : les propriétaires de l’entreprise, Murielle Millet et son mari, ont peur qu’il ne leur « cause des problèmes », notamment en détruisant « l’esprit de famille » de l’entreprise. Pour soixante-quinze milles euros, un certain Fréderic Vaglio alias 007 aurait assuré au couple que le syndicaliste allait disparaître. Heureusement le projet est retardé car l’un des tueurs attrape le COVID… juste assez longtemps pour que l’assassinat de madame Dini échoue, et que toute l’opération se retrouve compromise.

Les commanditaires et payeurs présumés étaient des hommes et des femmes d’affaires, et fréquentaient la loge affairiste Athanor. C’est là qu’ils et elles rencontraient Frédéric 007 Vaglio ainsi que Daniel Beaulieu, alias Petit Café, un ancien commandant de la DGSI reconverti dans la sécurité privé… et les assassinats. Les motivations financières semblent claires pour les clients autant que les prestataires : l’élimination de gêneurs – syndicaliste ou concurrent – est un business juteux.

Pour autant, les premiers éléments de la défense de Dagomar et Adelard – les exécutants en bout de chaîne – fournissent des motifs légèrement plus complexes. Les deux hommes ont en effet d’abord affirmé travailler pour la DGSE, au sein du « service action » – un mensonge rapidement éventé qui a cependant son intérêt. Dagomar en particulier est décrit comme un jeune homme frustré professionnellement : son poste de gardien sur le centre est à des années lumières du métier d’espion qu’il semble fantasmer, et qui n’a aucune perspective d’évolution. D’abord bien vu par sa hiérarchie, il est rapidement mis de côté pour avoir fait preuve de trop de zèle et outrepasser ses missions. Il déclarera ainsi lors de son interrogatoire :
« Vous imaginez bien que le métier de gardien est un travail pénible. Vous êtes là douze heures à regarder des écrans, sans téléphone, sans livre, sans rien faire […]. Comme un couillon. C’est un travail super frustrant. »
Il ajoutera plus tard, à propos d’un paiement de quinze mille euros en liquide :
« J’étais tout fou. Je n’avais jamais vu autant d’argent liquide de ma vie. »

Avec sa solde de deux milles euros et son métier ennuyeux, il se vit « comme un raté ». Ayant échoué deux fois au concours DRSD (la Direction du renseignement de la sécurité de la défense), il a d’abord tenté de lancer une agence de cyber-enquêteur avant de se tourner vers des activités criminelles. Sa hiérarchie, si elle se méfie de lui, estime qu’il ne s’agit que « signaux faibles », et c’est lorsqu’il rentre finalement en contact avec Yannick Pham, un ancien de la DGSI, que tout bascule définitivement. C’est ce spécialiste en faux document, rencontré lors d’un stage de formation, qui le mettra en contact avec Sébastien Leroy, alias Arrows.

Lorsque Dagomar commence à parler, il explique que Madame Dini était « une vieille qui recrute pour le Mossad », l’équivalent israélien de la DGSE. Plus tard dans le dossier, ils révèleront que la tentative d’assassinat d’Hassan T. relevait de la même logique de défense nationale : il s’agissait d’éliminer « un salafiste à la frontière suisse ».

Des jeunes militaires frustrés socialement, des anciens des services véreux, des chefs d’entreprises et des flics ripoux… Les suspects – dont bon nombre sont finalement passés aux aveux – présentent une galerie de personnages sordides, motivés principalement par l’appât du gain. Mais la défense des deux soldats, bien qu’il s’agisse de mensonges dont ils se sont peut-être convaincus en parti, révèle aussi un imaginaire politique nationaliste, antisémite et islamophobe que la presse généraliste n’a, à notre connaissance, pas tenté de disséquer.

Revenons d’abord sur le cas de Marie-Hélène Dini : pour assassiner une femme d’affaire, on l’accusera d’être une agente des renseignements israéliens. Bien que blanche, de famille catholique et portant un nom italien, l’accusation semble crédible aux tueurs. Car il s’agit d’une accusation bien précise : pas une agente russe, américaine, iranienne ou chinoise, mais israélienne. Et c’est bien parce que la confusion entre les tropes antisémites et antisionistes est puissante que cet amalgame est possible.
Israël a hérité de préjugés antisémites historiques et en porte désormais les stigmates. On prête à ce petit état – au PIB équivalent de celui de la région parisienne, rappelons-le – une puissance d’influence sans commune mesure avec son poids réel. Ses agents auraient infiltré nos institutions et notre intelligentsia ; ils dicteraient même notre politique étrangère par le truchement de figures bien connues comme BHL ou Jacques Attali. Le complot juif se confond aisément avec le complot sioniste. Et le juif-sioniste est partout. Rien ne permet de le distinguer des autres. La preuve même qu’il complote tient dans l’absence de preuve : la fourberie aura pris soin d’effacer ses traces. L’antisémitisme est, entre autres choses, une paranoïa.

Revenons ensuite sur le cas de Hassan T. : pour assassiner un ouvrier, on l’accusera d’être un agent salafiste. Il est arabe, porte un nom arabe et travaille dans une usine du Jura. Son islamisme semble inscrit en toute lettre sur son état civil et l’accusation couler de source. Si vous voulez vous débarrasser d’un arabe, dites que c’est un djihadiste, et le racisme et l’islamophobie feront le reste : en l’absence de preuve, on devine que le salafiste-djihadiste pratique la taqiya – la dissimulation de sa croyance en cas de danger. Il y a là une conjonction de haine particulière : l’arabe, musulman ou non, pratiquant ou non, est une cible toute désignée. Il est potentiellement un terroriste, recruteur pour DAESH, Al Qaeda ou toute autre organisation tentaculaire visant la destruction du monde occidental, blanc et chrétien. Rien ne permet de distinguer l’arabe du musulman, et rien ne permet de distinguer le musulman du terroriste. L’islamophobie est, entre autres choses, une paranoïa.

Juifs et musulmans travailleraient en tandem pour détruire la nation, comme l’explique ici un camarade. Les premiers comploteraient dans les cimes, corrompant les élites et achetant leurs âmes à coup de deniers, en éternels Judas. Les seconds travailleraient à l’ombre des usines et des HLM, attirant des jeunes désœuvrés qui haïssent la République et tentent de voiler Marianne durant les sorties scolaires. C’est que l’islamophobie et l’antisémitisme fonctionnent eux-aussi en tandem, cimentant le nationalisme en lui fournissant une menace fantasmatique de l’intérieur et de l’extérieur, d’en haut et d’en bas.

L’un des principaux instigateurs, Dagomar, ne paraît pas pour autant être un idéologue : si son pseudo-alibi est nourri d’une imagerie raciste, cette dernière tient probablement plus du symptôme que de la cause première. Ce qui semble le motiver, outre évidemment la cupidité et l’ennui, est un besoin de reconnaissance. Et bien que ses multiples passages à l’acte – assassinats, intimidations, etc. – tiennent plus du grand banditisme que de n’importe quoi d’autres, il me semble judicieux de rapprocher son parcours de celui de nombreux jeunes hommes radicalisés.
Travaillant sur les tueurs suprémacistes blancs, une camarade a en effet montré comment le meurtre est, pour ces jeunes gens en déshérence, un moyen de « devenir blanc ». De devenir, tout simplement, quelqu’un.

Sept personnes sont désormais incarcérées et l’enquête ne cesse de s’élargir. Nul doute que d’autres révélations sordides viendront. Cette affaire, mêlant plusieurs institutions de la défense nationales au grand-banditisme, dessine le visage le plus brutal et le plus criminel de la bourgeoisie affairiste ; mais elle révèle aussi, plus discrètement, les fantasmes islamophobes, racistes et antisémites qui irriguent l’ensemble de la société française.

Si l’unité du complot judéo-islamo-maçonnique en prend un coup, nous voilà rassurés quant à la sauvegarde de la Nation : elle est entre de bonnes mains.

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