"Je n'ai pas vécu la liberté, mais je l'ai écrite sur les murs" (la révolution syrienne)

La fange et le droit

in Antisémitisme/Chroniques de la violence brune by

Le 15 septembre après-midi se tenait devant la 17e chambre du Tribunal de Paris, l’audience civile qui devait juger de la demande de Pierre Serne de faire retirer 6 articles injurieux, homophobes et antisémites, publiés sur le site d’ultra-droite Riposte Laïque entre le 3 et le 11 mai 2021.
Théodore Abitbol a pu y observer l’avocat de la fachosphère (et de la Manif Pour Tous, de Génération Identitaire ou de certains Gilets Jaunes), F. Pichon, ancien responsable du tristement célèbre GUD.

« Remettez votre masque, s’il vous plait ». La juge dit ça à l’avocat de la défense (Riposte Laïque) au bout de trois minutes, sur un ton neutre. Il frotte ses semelles au sol tout en parlant, comme s’essuyant sur un paillasson. Son masque redescend rapidement au-dessous du nez.

Ça gesticule un peu, ça s’embrouille et bafouille. On aimerait presque le croire lorsqu’il prétend n’avoir pas eu le temps de se préparer :

« Vous comprenez, l’adresse de mon client n’était pas la bonne… Ce n’est pas un artifice destiné à échapper à la justice… Et il ne s’agit bien sûr pas d’une perversion non plus de la part de la partie adverse, bien sûr, mais plutôt d’un manque de moyen, car à soixante euros l’acte d’huissier, je comprends, n’est-ce pas… »

Mensonge balayé aussitôt par la partie demanderesse (l’avocate de Pierre Serne) puisque les diligences de l’huissier ont permis de vérifier le nom sur la sonnette et d’obtenir le témoignage de sa gardienne. Et comme le rappelle l’avocate, l’adresse notée sur la fiche d’imposition du prévenu, Monsieur Sebag, est bien à Saint-Mandé (94). Il vit donc bien, au regard du droit français, dans le même appartement que sa femme, en France. Qu’il en soit séparé est sans aucun doute un drame, mais reste qu’il sait parfaitement pour quels faits il est poursuivi. Le reste de la défense est, sur le plan technique, à l’avenant. Entre nullité juridique – se tromper de catégorie concernant le cas plaidé – et paresse manifeste – ne pas lire correctement les éléments de l’assignation.

Assignation qui vise des injures homophobes et antisémites, parsemant six articles diffusés en ligne. « Une intention de nuire caractérisée par l’accumulation d’articles de plus en plus violents et virulents » comme l’explique clairement l’avocate. Assignation à laquelle se joignent trois associations LGBT dont l’avocat rappelle ce que les mots veulent dire. Qui rappelle la violence de cette identification par l’insulte pour de nombreux jeunes, qui rappelle la violence de cette haine et les dégâts qu’elle cause, jusqu’au suicide.

Le stagiaire de l’avocat de Riposte Laïque lève les yeux au ciel. L’arbre, la pomme. Le fruit et le vers aussi, sans doute. Après la forme vient le fond, et avec lui le grotesque. Quelque chose comme la bêtise égrillarde d’un oncle aviné. Son clin d’œil « aux dames présentes dans la salle, mais que voulez-vous je suis bien obligé de plaider, n’est-ce pas ».

Il y a sa tentative de lister toutes les injures homophobes et racistes que la juge coupe aussi net : « On les a sous les yeux, hein…! » Il y sa tentative d’exégèse du terme « islamo-fellateur », qui ne serait « pas homophobe puisque voyez-vous, dans la culture française depuis les années soixante-dix, grâce au film américain Gorge Profonde, la fellation s’est répandue chez les femmes hétérosexuelles. Et qu’en diraient les féministes ! ».

On repense à l’oncle aviné qu’on doit finalement, en soupirant, sortir du dîner de famille. Celui qui ricane encore, la tête ballottant sur son menton souillé, alors qu’on lui tend un verre d’eau. On est soucieux car il a ses obsessions, ses passions tristes.
Soucieux mais ferme : on l’aura quand même foutu dehors.

Il y a cette idée qu’accuser un Juif d’être antisémite et d’être le complice des islamistes assassins de Juifs, ce n’est bien sûr pas antisémite. En insistant sur la francisation de son nom, en jouant des accents germaniques pour le prononcer – j’aimerais inventer tant la ficelle est grosse. « Après la première plainte, évidemment, on a remis une couche avec d’autres articles, il fallait bien, n’est-ce pas, et parfois quand on en fait trop, le trop est l’ennemi du bien… Délateur, fellateur… Enfin il s’agit finalement de se victimiser, c’est ce que font les soi-disant antiracistes, voilà, c’est classique. On critique une politique, des choix, tout ça c’est du débat, en fait ».

On aura donc appris que pour ces gens, être homophobe, raciste, misogyne et antisémite ce ne sont pas des délits, non, mais des opinions voire limite que c’est drôle… Que par contre, accueillir des migrants est un danger mortel qui justifie le harcèlement. Transparence. On aura appris également l’étendue de l’obsession anale et génitale de l’extrême droite de Riposte Laïque, pour qui « taper en dessous de la ceinture » est à prendre très littéralement, comme le tour de force d’un virtuose.

Finalement ils auront eu pour seule finesse l’idée de rappeler que notre ami a défilé aux côtés du CCIF, depuis dissous par le Conseil d’État. Une fierté pour les islamogauchiste que nous sommes. La fierté de celles et de ceux pour qui l’égalité n’est pas négociable et qui se reconnaissent à leurs combats. Et qui savent que l’on reconnaît toujours l’extrême-droite à ses obsessions haineuses.

La décision, mise en délibéré, sera rendue le 27 octobre. D’ici là camarade Serne, salut.

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