Alger 1957: racines françaises de la guerre contre le terrorisme, entretien avec Fabrice Riceputi

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Nadia Meziane pour Lignes de Crètes : Bonsoir Fabrice, merci de nous accorder cet entretien. On va peut-être commencer par ta présentation, que tu nous racontes, peut-être, comment tu as choisi ce sujet précis qu’est la guerre d’Algérie, ce qui peut paraître évident à des jeunes étudiants aujourd’hui avec les études décoloniales et toute cette profusion de travaux qu’on peut avoir en Europe, mais aussi ailleurs, sur le sujet mais qui ne l’était pas forcément il y a encore quelques temps.

Fabrice Riceputi : Alors c’est une question qu’on me pose souvent mais à laquelle j’ai un peu de mal à répondre simplement. Alors d’abord, moi, je ne suis pas un universitaire : j’ai fait pas mal de choses avant de me remettre à la recherche historique. J’ai été prof dans le second degré ; j’ai été militant syndicaliste et puis il se trouve que j’ai été l’étudiant de Pierre Vidal-Naquet qui est l’historien français qui a vraiment fait un énorme travail sur la guerre d’Algérie. Je n’ai pas pu poursuivre la recherche à ses côtés en particulier, je suis devenu prof parce qu’il fallait manger et  je me suis remis sur le tard à tout ça , il y a une grosse dizaine d’années par le fait d’un certain nombre de rencontres, un peu de hasard, mais aussi parce qu’en tant que militant antiraciste et historien j’ai toujours bien perçu la connexion entre la problématique de l’histoire coloniale et l’héritage du racisme aujourd’hui. Je me suis plongé d’abord dans cette histoire de retour à la mémoire du 17 octobre 61 par un biais un peu particulier, dont je parlerai peut-être tout à l’heure, et puis voilà, c’est parti comme ça et il se trouve que je participe aussi à une équipe qui anime un site internet qui s’appelle histoirecoloniale.net qui connait un regain de connexion là depuis l’affaire « Aphatie », c’est assez extraordinaire, et puis  aussi j’ai fait une découverte d’archives dont je ne m’attendais pas à ce qu’elle produise autant d’effets, en 2018, à propos de ce qu’on appelle « les disparus de la bataille d’Alger » qui a donné une naissance à un projet qui prend pas mal d’ampleur, qui fait que je vais faire des missions en Algérie et justement je rentre d’une de ces missions de d’enquête.

NM : Justement, entrons dans le cœur de l’actualité, avec cette affaire, finalement assez étrange si on les voyait avec les lunettes d’il y a encore quelques années, qui est : un chroniqueur disons plutôt centriste, enfin, qui n’a rien d’extraordinairement gauchiste ou décolonial ou islamiste et qui compare, ce qui peut apparaître aussi comme une banalité, ce qu’il s’est passé en Algérie, et notamment la destruction et le massacre de villages par dizaines, à ce qu’il s’est passé à Oradour sur Glane, c’est-à-dire une opération punitive, mais faite par les nazis. Alors, que la comparaison fasse polémique, tu nous diras ce que tu en penses, mais il se passe cette chose qui rappelle d’autres décennies : immédiatement se pose la question de la censure. Je voulais savoir ce que toi t’a inspiré cette affaire, au regard de la manière dont on parle et dont on traite l’histoire de la guerre d’Algérie en France depuis le début.

FR : Oui alors il se trouve que j’ai découvert moi cette polémique autour des propos d’Aphatie en rentrant précisément d’une enquête sur un massacre qu’a commis l’armée française en 1956, dans trois villages de Kabylie. J’étais parti avec une journaliste belge et algérienne qui s’appelle Safia Kessas pour interroger des témoins sur un massacre prémédité : les militaires avaient une liste de gens à assassiner en représailles collectives, parce que les villageois étaient soupçonnés d’aider, de soutenir ou de ne pas dénoncer les maquisards de l’ALN qui étaient très nombreux à ce moment-là dans ces montagnes de Kabylie. Et donc, à peine rentré d’avoir baigné dans cette histoire, je découvre que de dire que la France a commis des crimes comparables à ceux d’Oradour sur Glane en Algérie faisait scandale chez certains. Alors bon, pour un historien, cette comparaison elle est, enfin en tout cas pour moi, elle est absolument fondée, évidemment, et ce qui est le plus remarquable, bien sûr, ce sont les réactions d’indignation, plus ou moins sincères, qui sont peut-être encore plus graves si elles sont sincères puisqu’elles dénotent d’une ignorance et un mépris pour cette histoire qu’on ne découvre pas aujourd’hui, en tout cas pas moi, mais qui éclate au grand jour. Et puis là, je viens d’apprendre qu’un film, auquel un ami historien a participé, qui révèle vraiment au grand public un autre crime de guerre de l’armée française en Algérie, qui est l’utilisation de gaz toxiques, comparables à ceux qu’on utilisait dans les tranchées pendant la Première Guerre mondiale, ont été utilisé à très grande échelle, de 1959 à 1962, à des milliers de reprises, pour asphyxier des maquisards et aussi des civils, des villageois qui s’étaient réfugiés dans les très nombreuses grottes qu’on trouve, par exemple, en en Kabylie ou dans les Aurès et que ce film, qui était programmé pour le 16 mars à venir par France 5, on a appris aujourd’hui qu’il était déprogrammé. C’est aussi assez amusant, pour un historien, alors que le film est déjà passé en Suisse, puisqu’il était aussi coproduit par la télé Suisse, ce qui rappelle l’époque où un éditeur de Lausanne, Nils Andersson, éditait les livres interdits en France aux éditions de Minuit. Il se trouve que la justification de France Télévision est qu’ils remanient leur soirée pour parler de l’Ukraine. Admettons. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de date de reprogrammation, ce qui est quand même assez problématique. Il y a tout un contexte. Alors, effectivement, je pense que aujourd’hui, on est à l’apogée -c’est ce que ce que ce que nous dit cette flambée médiatique autour d’Apathie – d’une régression sur cette question qui a commencé au début des années 2000, et qui s’est en particulier installée avec Sarkozy, avec l’invention du concept de repentance pour bloquer un mouvement pour une exigence de vérité, de faire jour dans les années 80 et 90 en France autour notamment de l’histoire du 17 octobre 61 du massacre des manifestants algériens et de la torture. Et on voit bien qu’aujourd’hui, avec l’extrême-droitisation, la montée du racisme et de l’islamophobie, on est moins capable qu’à l’époque d’avancer sur ces questions. Voilà, je ne vais pas faire un long tunnel là-dessus, je pourrais en parler longtemps.

NM :  Justement on va peut-être revenir sur le début, parce que je crois qu’il y a une idée toute faite, mais qui traverse beaucoup de générations quand on découvre notre histoire, ou quand  des gens la découvrent, c’est qu’on a l’impression que c’est la première fois que la vérité éclate au grand jour au sujet de la torture de de Jean-Marie Le Pen (puisque c’est le sujet de ton livre) alors qu’en fait, cette histoire-là, elle est, comme tu le montres dans ton ouvrage, affaire d’amnésie provoquée, puis de retour de la mémoire, puis de nouvelles amnésies provoquées. J’aimerais bien qu’on revienne finalement sur le début, c’est-à-dire pendant et juste après la guerre d’Algérie, comment un jeune militaire d’extrême-droite, Jean-Marie Le Pen,  ne va pas forcément cacher qu’il a torturé, va appeler ça d’une manière ou d’une autre, et va le décrire et comment, finalement, il va finir par lui-même attaquer des gens qui reprennent ses propres propos. Et au-delà de Jean-Marie Le Pen, quelle est l’ambiance à la fin de la guerre d’Algérie, donc, quand l’Algérie obtient son indépendance et puis dans les années qui suivent.

FR : oui alors Jean-Marie Le Pen. Il a torturé durant les trois premiers mois de 1957 à Alger et il faut bien répéter et insister sur le fait qu’il n’est qu’un tortionnaire parmi beaucoup d’autres et qu’il est même un petit tortionnaire puisqu’il est resté 2 mois et demi, qu’il a pas joué un rôle important dans la guerre, dans le déroulement de ce qu’on appelle la bataille d’Alger, mais il est déjà député du 5e arrondissement de Paris dans le mouvement poujadiste. Il est farouchement anticommuniste, colonialiste, nationaliste et avec d’autres de ses copains du même acabit, il s’est déjà engagé auparavant dans une autre guerre coloniale en Indochine, qui, comme on le sait, a été perdue sèchement par la France et en fin 56, il décide de remettre ça, en allant faire cet espèce de tourisme sous l’uniforme,  qui consiste à aller s’engager, signer un contrat de 6 mois, avec un régiment d’élite comme on qualifiait le premier régiment étranger parachutiste.Et alors il se trouve qu’il arrive, probablement par hasard, quelques jours avant que le gouvernement socialiste de l’époque, et le gouvernement de Guy Mollet, ne donne tous les pouvoirs à l’armée, parce que l’armée lui a promis cette chose folle d’arriver à éradiquer complètement le nationalisme dans la ville vitrine de l’Algérie française et que ce pouvoir socialiste est prêt à abandonner tout contrôle légal sur les activités de l’armée. Donc on donne ce qu’on appelle les pouvoirs de police au général Massu et Le Pen se trouve, après quelques jours de présence en Algérie, impliqué dans ce que les historiens préfèrent appeler, plutôt que bataille d’Alger, la grande répression d’Alger. Et là, il y a des témoignages nombreux et très circonstanciés qui le disent, et pas seulement des témoignages d’algériens, il torture, donc, en utilisant une des méthodes qui sont déjà normées dans l’armée française, essentiellement la torture à l’électricité et à l’eau. Il torture pour avoir l’adresse de quelqu’un, pour savoir où se trouve untel, il torture même à domicile. Je ne rentre pas dans le détail des témoignages tout de suite, mais voilà. Et dès son retour en France, il fait constamment l’apologie de la torture comme on la faisait fréquemment à cette époque-là, en expliquant que c’était le seul moyen. C’est tout le scénario de la bombe à retardement, c’est une fable qu’on a inventé pour justifier la première guerre contre le terrorisme, finalement, c’est-à-dire que torturer, ce n’était pas bien, mais c’était indispensable pour éviter que des bombes prêtes à exploser ne le fassent, ce qui ne s’est jamais produit en réalité, ils n’ont jamais été capable de citer le moindre exemple où ça s’est produit. Bref, la torture, en réalité, c’est un élément dans tout un système de terreur, qui est basé d’ailleurs d’abord sur la disparition forcée : on enlève les gens. Le droit qu’ont obtenu les militaires du gouvernement français c’est de déclarer suspects des gens, de les enlever, de les interroger sans témoin dans des lieux qui ne sont même pas déclarés comme des centres d’interrogatoire, et d’en faire ce qu’ils veulent, y compris, donc, les torturer, y compris pratiquer les exécutions sommaires, parce qu’ils estiment qu’ils doivent faire ce qu’ils appellent « une justice parallèle » parce que la justice, qui condamne pourtant à tour de bras à mort à ce moment-là, à leurs yeux, n’est pas assez féroce. Voilà, alors, il fait cette apologie en maintenant l’ambiguïté sur sa participation personnelle, parce que à ce moment-là, il faut savoir que selon la loi française, la torture, même si elle est couverte par le gouvernement, reste un crime et que rien ne dit qu’un jour, le pouvoir politique pouvant changer, ces militaires qui ont participé à cette terreur ne soient pas devant un tribunal. Alors ça ne se produira pas, puisque de Gaulle va voter l’amnistie. On en reparlera mais c’est une fois l’amnistie votée en 62 qu’il déclare au journal Combat, en juin 62 me semble-t-il ou quelques semaines après l’amnistie, qu’il a lui-même torturé. Il l’a avoué, il l’a même revendiqué. D’ailleurs, la première accusation portée contre lui vient du FLN. Elle vient d’une publication clandestine qui s’appelait Résistance algérienne, dès la fin de 57 ou l’été 57. Le FLN a bien enregistré que ce type-là était député et elle publie un premier article dans Résistance algérienne où elle décrit des tortures abominables subies par un Algérien, dont le nom m’échappe à l’instant, mais dans la villa où Le Pen cantonnait à Alger : la Villa des Roses à El Biar et c’est ce texte qui est repris à Lausanne par l’éditeur dont je parlais tout à l’heure, Nils Andersson, dans un bouquin qui s’appelle « La Pacification ». Voilà donc les premiers écrits arrivent vite. Et puis, parmi les autres documents accablants, on trouve en 62 Pierre Vidal-Naquet, notamment, le comité Odin publie une des plaintes, un rapport de police du commissaire principal d’Alger qui a enregistré, chose peu commune, des plaintes d’Algériens contre Jean-Marie Le Pen. Il y en a deux : il y en a un qui a été torturé parce qu’il refusait d’ouvrir le bar de l’hôtel Albert 1er à Alger à 3h du matin, il l’a emmené à la villa Susini pour le torturer et l’autre qui était censé lui donner une information qu’il ne lui a pas donné. Alors ça, c’est ce qu’on a en 62. Et à ce moment-là, Jean-Marie Le Pen, c’est personne. Il est encore un peu député de temps en temps, mais c’est pas du tout le personnage qu’il va devenir à partir des années 80. Et puis, en France, tout est fait pour qu’on ne parle plus de la guerre d’indépendance algérienne, avec, notamment, cette amnistie qui interdit à la justice française de revenir sur quelque crime ou délit commis par un agent de l’État français en relation avec ce qu’on appelait « les événements d’Algérie ». Donc, ça c’est un facteur d’oubli actif particulièrement fort, puisque les procès de ce type, par exemple quand il concerne le procès Papon, le procès Touvier etc… ont été des vecteurs d’information énormes dans l’opinion, ça ne se produira quasiment jamais à propos de l’Algérie, du fait de cette amnistie. Puis, deuxième verrou qu’on impose très vite, c’est qu’on rend les archives, notamment de l’armée, mais pas seulement de l’armée, à peu près incommunicables aux citoyens et aux chercheurs pendant très longtemps. Et puis, il y a une volonté, un consensus, dans tous les principaux partis politiques français, pas seulement à l’extrême-droite, sur ces temps-ci chez les gaullistes, pour ne plus revenir sur cette affaire dans laquelle ils ont tous trempé à des titres divers, mais ils ont tous trempé et aucun n’a intérêt à ce qu’on revienne là-dessus. Et alors, pour faire le pont avec ce que je disais tout à l’heure, c’est dans les années 80, les premiers mouvements antiracistes autonomes, au moment de la Marche pour l’Egalité contre le racisme, qu’il y a des retours à la mémoire, comme ça, de la sale guerre, à part à propos du 17 octobre 61, puis après pour la torture. Mais pour ce qui concerne Le Pen, ça commence à peu près en même temps, c’est quand même assez troublant c’est-à-dire que c’est quand il est candidat aux européennes en 84 que des journalistes de gauche Français, inquiets de la montée du Front National, se mettent à aller fouiller son passé. C’est la rançon de sa gloire. Pour les autres tortionnaires, ils sont tous morts dans leur lit sans avoir jamais eu aucun problème. On a rarement rappelé leurs crimes parce qu’ils ne sont pas devenus Jean-Marie Le Pen. Mais Jean-Marie Le Pen, lui, il prétend aux plus hautes fonctions et donc, on va à Alger et on rencontre sans peine des gens qu’on aurait pu rencontrer bien avant, qui ont été souvent les victimes directes de Le Pen, ou des témoins, et ça commence à sortir dans la presse dans le Canard Enchaîné, dans Libération… Et là, Le Pen se met à attaquer systématiquement en diffamation avec la quasi-certitude de gagner. Alors ça paraît incroyable, mais il faut savoir que les faits étant amnistiés. Là il sait que la justice n’aura jamais à se prononcer sur les faits dont il est question, ce qu’on va juger, c’est la bonne foi, la modération, le sérieux de ceux qui l’accusent. Alors, c’est très ambigu, ça ne veut pas dire grand-chose, mais c’est comme ça. Et de fait, il gagne ses premiers procès en grand nombre, contre toutes sortes de médias, de personnalités, jusqu’à la fin des années 90. Pendant cette période-là, la justice entend, reçoit ses arguties sur le fait que ce dont on parle, ce n’est pas vraiment de la torture, ce sont des interrogatoires un peu brusques, un peu forcés, un peu durs, mais ça ne mérite pas le nom de torture. Alors ça, la justice va arrêter de l’entendre à la fin des années 90 et il va perdre sèchement trois procès en diffamation contre Pierre Vidal-Naquet, justement, l’autre contre Michel Rocard et le 3è contre le journal Le Monde qui est à ce moment-là, avec Florence Beaugé, en pleine campagne d’enquête sur le phénomène de la torture.

NM : moi je voudrais revenir sur un petit point. Tu as parlé de première guerre contre le terrorisme et c’est un sujet qui est assez rarement évoqué en France, celui de Guantanamo. Est-ce que tu penses qu’il y a, malgré tout, une filiation française dans l’inspiration qu’il va y avoir plus tard aux États-Unis, par rapport, notamment, à ce qu’il s’est passé en Afghanistan. Est-ce que tu penses que dans la construction de la légitimation de la torture et de ses méthodes, la France a pu jouer un rôle auprès d’autres puissances plus grandes qu’elle ?

FR : elle en a joué un qui est même très bien documenté, puisque si on lit, par exemple, le bouquin de Marie-Monique Robin qui s’appelle « Escadron de la mort, l’école française », on découvre que nombre des officiers qui étaient autour du général Massu, qui étaient des officiers idéologues qui avaient conçu ce qu’ils appelaient la doctrine de la guerre révolutionnaire – comprendre contre insurrectionnelle- sont allés physiquement donner des cours pour enseigner la méthode, d’abord dans les dictatures d’Amérique latine, en Argentine, au Brésil, à Fort Bragg aux États-Unis, auprès de l’armée américaine et qu’ensuite la légende parachutiste de la bataille d’Alger a essaimé dans le monde entier, alors par des vecteurs assez étonnants, par exemple : il y a un type qui écrivait des romans de gare à la gloire des parachutistes, dont un qui s’appelle « les Centurions » qui s’appelait Jean Lartéguy, qui était lui-même un ancien parachutiste. Ces romans-là ont été vendus par millions, ils ont été traduits dans toutes les langues ils étaient même la bible, il y a un chercheur qui s’appelle Jérémy Rubenstein qui l’a établi, ce bouquin et d’autres romans du même genre, qui mettent en scène bizarre sous un pseudo etc… sont devenues les bibles des militaires argentins par exemple. Et puis, le scénario de la bombe à retardement, cette fable perverse de justification de la torture, on la retrouve exactement dans les débats autour de la torture à Abou-Ghraib ou à Guantanamo.  Voilà, c’est bien une matrice. Alors, est-ce que c’est une invention française, il faudrait étendre les recherches là-dessus, mais, en tout cas, sans aucun doute c’est une matrice d’un phénomène mondial de la justification de la torture dans la « guerre contre le terrorisme » qui a fait la fortune qu’on sait.

NM : alors on va revenir sur Jean-Marie Le Pen, et justement, sur le débat français et le débat international au temps de la victoire de toutes les extrêmes-droites, je me souviens parfaitement, bien que j’aie été jeune, du scandale qu’ont pu être ce qui n’était pas des révélations, mais, ce moment où on apprend quand même des choses très précises sur le rôle physique qu’a joué un dirigeant d’extrême-droite. Quel a été ton sentiment quand Jean-Marie Le Pen est mort et qu’on ne peut pas dire que le débat ait eu lieu dans les mêmes termes, ni même que cette question-là ait été finalement très contredite ou abordée, quand il y a eu des hommages qui venaient d’un peu partout, finalement.

FR : oui c’est même un aspect des choses qui a été très souvent complètement occulté. Alors ça, c’est le résultat de de 20 années de « lepénisation » généralisée en France, que certains appellent la dédiabolisation du FN devenu RN, mais en réalité, moi, je parle de lepénisation, qui est tellement étendue qu’elle en a produit, par exemple, ce qui m’a poussé à écrire ce bouquin. Je connais pas ton âge, mais moi, je suis de la génération qui a lu et connu les révélations dans la presse dans les années 80, dans les années 2000. Et pour moi, jusqu’à ce que j’entende une émission de France-Inter produite par Philippe Collin sur Le Pen, l’idée de passer du temps à travailler sur le Pen et la torture ne serait jamais venue. Or, on a pu entendre dans une émission à très grande audience que Jean-Marie Le Pen n’avait sans doute pas torturé en Algérie dans la bouche de Philippe Collin, qui, ensuite, malgré le mea-culpa de Benjamin Stora qui avait fait une erreur factuelle à l’origine de ça, a continué à s’empêtrer là-dedans en disant “Ah mais on n’a pas de preuve.”. C’est-à-dire, « on n’a pas de preuve », ça veut dire les témoignages des Algériens, à la poubelle, c’est exactement ça que ça veut dire. Alors non, on n’a pas effectivement de film montrant Jean-Marie Le Pen en train de d’actionner la gégène, c’est peut-être la seule preuve qui lui suffirait. D’ailleurs, pour continuer sur Philippe Collin, il a fini par corriger correctement son podcast, par dire que Le Pen avait torturé mais pas du tout en prenant en compte mes modestes travaux ou bien les témoignages des Algériens, mais par le fait que Le Pen a déclaré au Monde en 2019 (on ne l’a appris qu’après sa mort), il a nouveau dit “J’ai torturé”. C’est donc c’est la parole de Le Pen qui a paru suffisante et nécessaire à Philippe Collin pour finir, au bout de 3 ans, par, dans la 3è correction de son podcast, dire qu’il avait torturé. C’est très révélateur d’une difficulté extrême, qui est loin d’être seulement celle de Philippe Collin, de prendre au sérieux la parole des Algériens dans l’histoire de la guerre d’indépendance ou de la colonisation. C’est toujours aujourd’hui quelque chose considéré comme une sorte d’intelligence avec l’ennemi pour certains, alors que, quand on fait l’histoire d’autres crimes qui ont été niés, dissimulés par des États on a recours toujours aux témoignages des victimes pour reconstituer les faits, parce que dans les archives de ces états, par définition, on ne trouve quasiment rien. Donc, quand on fait l’histoire du génocide des Arméniens, pour prendre un exemple, on n’a pas beaucoup de choses dans les archives turques. En revanche, on a des récits qui ont permis aux historiens de reconstituer les faits. Quand il s’agit de l’Algérie, la parole algérienne est, chez beaucoup, disqualifiée à priori comme étant affabulation, propagande etc… Bon, et ça c’est quelque chose qui me tient particulièrement à cœur, moi je travaille avec Malika Rahal à un projet donc qu’on appelle « 1000 autres » sur les disparus, qui a un site internet https://1000autres.org/ qui consiste, justement, à lancer un appel à témoignage de gens, pour qu’ils nous disent ce que sont devenus un certain nombre de personnes, de leur famille, dont on a trouvé la preuve dans les archives qu’ils ont été enlevés par l’armée française. Et là, on s’aperçoit, alors c’est tard, on aurait dû faire ce travail bien avant, malheureusement, y compris chez les historiens ça n’a pas été fait pendant très longtemps, que d’aller recueillir la parole des gens, je ne parle pas de la parole officielle gouvernementale, qui peut être effectivement propagandiste. Quand on va en Algérie, dans toutes les maisons on entend des récits de gens qui ont vécu, beaucoup sont encore vivants, mais pas tous, voilà il commence à être tard, donc c’est ça faire l’histoire du temps présent, c’est aller voir les gens qui ont vécu des événements quand ils sont encore vivants.  Bref, à propos de Le Pen quand j’ai entendu ça, je me suis dit « Mais bon sang ! Voilà le résultat final de la lepénisation », on en vient à effacer des choses qui étaient considérées, entre autres, par Pierre Vidal-Naquet, qui n’est pas n’importe qui, qui passait son temps à dire ce serait diffamer Jean-Marie Le Pen que de ne pas le traiter de tortionnaire. En dehors de la fachosphère, il n’y avait plus grand monde qui niait ces choses-là. Il y a une époque, et on revient toujours au thème de la régression. Aujourd’hui, il a fallu batailler. Et mon bouquin dans lequel je réunis quand même pour la première fois l’ensemble du dossier, jusque-là il y avait des choses éparses dans les archives de la presse, dans les archives tout court, c’est la première fois que tout ça est rassemblé et contextualisé, parce que je connais bien les événements d’Alger en 57. Il a eu un écho, j’aurais pu faire d’avance la liste des médias qui allaient en parler, c’est toujours les mêmes, c’est en général ceux qui, quand ils existaient, condamnaient déjà la torture pendant la guerre d’indépendance, ça n’a guère changé, à part quelques petites surprises.

NM : oui j’ai été assez marquée par ce silence, alors que Jean-Marie Le Pen est quand même une personnalité médiatique et politique qui fascine toutes les générations, même celles qui n’ont pas connu sa triste et grande heure de gloire, ça s’inscrit dans le contexte de nos années. J’aimerais bien qu’on revienne à un contexte différent mais une période, justement, de croisement des mémoires, c’est-à-dire à la fois plein de choses qui explosent, par rapport à la mémoire de la Shoah et du rôle joué par la France dans l’extermination des Juifs d’Europe et puis en même temps, la mémoire du 17 octobre qui revient, et au milieu de tout ça, des grands procès et notamment le procès Papon, dont beaucoup de gens ne savent pas pourquoi il va être, justement à cause de l’amnistie, une des occasions où, enfin, le sujet du massacre du 17 octobre va pouvoir être évoqué, à côté de ce que le préfet a fait pendant la Seconde Guerre mondiale. Donc, si tu peux revenir sur ce moment où les mémoires se croisent assez naturellement, finalement, sans provoquer les polémiques qu’elles provoquent immédiatement aujourd’hui…

FR : oui en effet j’ai écrit un petit peu là-dessus dans « Ici on noya les Algériens ». Alors le procès Papon est un moment tout à fait extraordinaire, de ce point de vue-là, puisque on a un type qui est jugé pour sa complicité  dans la déportation de 1600 et quelques juifs de Gironde à Drancy, puis à Auschwitz, pas du tout pour des histoires d’Algérie alors qu’il a été donc préfet de police, enfin « préfet iam » comme on disait, c’est-à-dire super préfet de la région de Constantine en Algérie, puis préfet de police de Paris pendant la guerre d’Algérie également. E là, l’Algérie fait irruption littéralement dans ce procès, puisqu’on voit arriver à la barre, au moment où le tribunal étudie ce qu’on appelle le curriculum vitae de l’accusé, donc sa vie, sa carrière, un type qui s’appelle Jean-Luc Einaudi qui est éducateur à la PJJ de son métier, mais qui a écrit, quelques années auparavant, un livre dans lequel il a, pour la première fois, reconstitué le massacre des manifestants et manifestantes algériens et algériennes à Paris le 17 octobre 1961 et les jours suivants. Et alors qu’est-ce qu’il fait là Jean-Luc Einaudi ? Il est là, c’est très intéressant, parce qu’une partie civile juive, qui s’appelait Levinski me semble-t-il, excusez-moi j’ai un trou, et puis l’avocat du MRAP, dont j’ai oublié le nom également, sont allés le voir en lui disant : voilà, les Algériens ne doivent pas être oubliés dans la carrière de Papon, il faut que les deux faces de Papon soient réunies, même s’il ne pourra pas être condamné pour ce qu’il a fait, du fait de l’amnistie, notamment en Algérie ou à Paris. Il faut absolument que les Algériens ne soient pas oubliés, donc on a une déposition qui est le premier événement du procès Papon (je rappelle que c’est un procès qui est en mondovision, c’est un procès vraiment avec un écho considérable), qui, pendant 2 heures, raconte les massacres du 17 octobre 61 à Paris. Ca a un effet de « savoir » puisque Jean-Luc Einaudi dépose le 16 octobre 1997 à la cour d’assise de Bordeaux et c’est donc la veille du 17 octobre et le 17 octobre, tous les médias en font des tartines sur ce crime oublié, occulté etc… C’est donc comme ça que c’est vraiment parti dans l’opinion (publique). Il y a donc, effectivement, un lien très fort. Ce n’est pas moi qui l’ai dit le premier, ça. Par exemple, le discours de Chirac sur la complicité de Vichy dans la Shoah, cette chose qui a mis si longtemps à être avouable, le discours de 95 de Chirac a un effet de stimulation sur d’autres exigences de vérité sur l’histoire de France, et notamment sur celle-là (le 17 octobre 1961). Dans les années 80 et 90, ce sont vraiment des années où on voit émerger, dans certains secteurs de la société française, et aussi et en particulier dans la jeunesse immigrée ou d’origine immigrée, mais au-delà également, dans les mouvements antiracistes, on voit pointer une exigence de vérité sur la guerre coloniale d’Algérie. Et puis il y a un deuxième moment, juste après, c’est le début des années 2000, avec le travail considérable que fait le Monde, dont à ce moment-là c’est Edwy Plenel le directeur de la rédaction, avec la journaliste Florence Beaugé, qui publie une série où elle va enquêter pendant 5 ans sur cette affaire de torture. Elle va multiplier les enquêtes, les scoops, et en allant, elle aussi, faire le travail d’aller voir les témoins en Algérie, et ça c’est très important. J’indique d’ailleurs que son livre formidable, qui s’appelle « Algérie, une guerre sans gloire » reparaît, puisqu’il était épuisé et que son éditeur refusait de le rééditer, au Passager clandestin, avec une préface de Malika Rahal et de moi-même. Alors, l’analyse que je fais, c’est qu’ensuite il y a un backlash, c’est-à-dire que le fond nationaliste, qu’il soit d’extrême-droite, de droite ou même de gauche, avec Chevènement par exemple à l’époque, provoque un retour de bâton et tente de refermer toutes les portes. Et c’est le moment où des essayistes d’extrême-droite inventent le concept de repentance, qui est censé stigmatiser toute tentative d’histoire critique de l’histoire de France, pas seulement de l’histoire coloniale. Il ne faut pas faire de repentance et ça devient une doctrine d’État. Sarkozy en fait une doctrine d’État. Et, aujourd’hui encore, quand on lit les communiqués de Macron, qui a pris un certain nombre d’initiatives mémorielles relatives à l’Algérie, ça commence toujours par « nous n’allons pas faire de repentance » et donc avec ça, on détourne complètement la problématique, parce que, en réalité, personne en Algérie ou en France ne demande de repentance. Ce qu’on demande simplement, c’est que la France reconnaisse enfin la vérité, pas seulement de la torture, ou de telle ou telle chose, mais la vérité du colonialisme, ce qu’elle n’a toujours pas fait et qu’elle semble moins capable de faire aujourd’hui que jamais – voir la polémique « Aphatie ». C’est très simple en réalité : par exemple, récemment, Macron, comme pour s’excuser de son rapprochement avec le Maroc sur le Sahara occidental, a pris une initiative concernant le grand chef du FLN Larbi Ben M’hidi. Quand on lit son communiqué avec attention, il reconnaît quelque chose que tout le monde sait, que Paul Aussaresses a avoué depuis longtemps, c’est à dire que c’est lui qui l’a pendu et qu’il ne s’est pas suicidé, comme on l’a prétendu, alors d’une part, c’est le seul coupable, c’est le méchant Paul Aussaresses, qui est effectivement très méchant, qui a avoué des crimes, qui a été condamné pour apologie de ces crimes et non pas pour les avoir commis, du fait de l’amnistie, on lit « que Ben M’hidi ait été coupable ou innocent nous reconnaissons qu’il a été assassiné ». Qu’il a été coupable ou innocent, ça veut dire qu’on ne sait toujours pas dire si oui ou non, quelque chose de vraiment très simple oui ou non, ceux qui se sont battus pour se libérer de la colonisation étaient dans leur droit ou pas. C’est quand même quelque chose d’assez évident. Et bien, ça, c’est toujours quelque chose d’impossible à dire, et, je répète, de moins en moins possible à dire en France actuellement, contrairement, semble-t-il, à ce que disait Pierre Vidal-Naquet en 2000 : “Ça y est les temps sont mûrs a on va enfin pouvoir dire les choses.” Et en fait depuis, on a régressé.

NM : oui on régresse tous les jours, mais ça, c’est une illusion qu’on a eue et en pensant que les contestations parce qu’il y a toujours eu des contestations notamment d’anciens militaires qui sont très actifs et qui ont toujours tenté d’interdire des colloques, des commémorations… Mais effectivement on ne s’attendait pas à ce qu’il s’est passé, par exemple l’an dernier, où la commémoration parisienne du 17 octobre a été interdite par le préfet de police, en même temps que les manifestations « Palestine ». On a été vraiment dans ce moment-là où les deux ont été liés et où, je pense, tous les issus de l’immigration algérienne qui n’avaient jamais pensé revivre ce qu’avaient vécu leurs grands-parents, l’état d’urgence, les interdictions de manif etc. se sont posés des drôles de questions. Moi je voudrais qu’on revienne sur le lien entre la deuxième Guerre Mondiale, le rôle de la France, et la période coloniale ensuite, parce que ça m’a fait « sourire », parce qu’on en est à sourire de toute cette histoire sur « Aphatie », qui compare à Oradour sur Glane, à cause d’un objet qui est un objet symbole : le poignard qui a servi de preuve pour montrer l’implication de Jean-Marie Le Pen dans la torture de certaines personnes précises, et ce poignard qui est souvent appelé « le poignard nazi » qui montre que dans l’armée française il y avait apparemment plein de gens qui revendiquaient ouvertement l’affiliation avec Vichy, et évidemment, avec le nazisme. Alors d’abord que tu nous parles de cet objet qui a l’air romanesque et un peu invraisemblable tellement c’est caricatural et puis aussi que tu nous dises si tu penses que l’épuration, qui n’aurait pas été faite à la fin de la seconde Guerre Mondiale, a conduit finalement en Algérie, et ailleurs, à ce que l’histoire de Vichy en tout cas dans l’usage de la torture et dans les crimes de guerre et même les crimes contre l’humanité, puissent se perpétuer dans les années 50 et 60.

FR :  Alors il y a beaucoup de questions. Pour tout savoir sur l’histoire de ce poignard, il faut lire vraiment le bouquin de Florence Beaugé dont je parlais tout à l’heure, parce qu’elle raconte (même s’il avait été déjà vu par Lionel Duroi de Libération dans les années 84) mais elle non seulement elle le refait connaître dans le monde plus largement, mais, ensuite, elle l’amène en France et il est produit dans un procès en diffamation que perd Le Pen contre elle. A la stupéfaction du Tribunal, elle a réussi à lui faire traverser la Méditerranée. Ce n’était pas simple, elle raconte tout ça de façon tout à fait passionnante et émouvante. Alors, ce poignard. Le Pen a dit « mais enfin, qu’est-ce que je pourrais faire avec un poignard nazi ? ». Ce poignard des jeunesses hitlériennes, il peut très bien lui avoir été offert par l’un de ses hommes, parce que dans la Légion française, en 45, on incorpore, de force ou pas, des milliers d’anciens soldats allemands et d’anciens Waffen SS. Et dans le premier régiment étranger parachutiste, il y avait une très forte proportion, je ne sais pas laquelle exactement, mais c’est sûr qu’elle était très forte, d’anciens Waffen SS, dont certains se sont fait connaître à la Villa Sésini, où l’homme à tout faire, le bourreau principal de la villa Sésini c’était un ancien nazi. Il y en a d’autres qui sont mentionnés par des victimes. C’est l’origine du poignard, elle est simple. Mais pour en revenir à cette histoire de colonialisme et de nazisme, Aphatie, dans l’émission, dit quand même quelque chose d’assez fort et juste. Quelqu’un lui dit : “Comment ? On a fait comme les nazis en Algérie ?” et il dit “Mais on n’a pas fait » il parle de la conquête de l’Algérie. Il répond : “Mais les nazis pendant la conquête ils n’existaient pas, c’est les nazis qui ont fait comme nous.”. Alors c’est évidemment dit sommairement, mais il y a des travaux qui montrent bien que, dans un certain nombre de pratiques nazies, je crois que c’est Hannah Arendt qui a été une des premières à écrire là-dessus, les nazis, je sais pas quel mot utiliser, se sont inspirés des pratiques qui avaient cours dans les colonies allemandes, notamment lors du génocide des Héréros et des Namas et donc, il se trouve que, quand, pendant la guerre d’indépendance algérienne, on va découvrir que l’armée française torture, on va dire “Ah là là il y a une gestapo française.”. Mais en réalité, la torture dans les colonies, elle existait depuis 1830 en Algérie. Dans les années 50 il y a deux rapports qui sont officiels, qui n’ont jamais été publiés, enfin, qui ont été publiés par Pierre Vidal-Naquet après, mais deux rapports officiels qui sont remis au gouvernement qui démontrent, qui documentent très largement le fait que la torture des suspects est routinière dans les commissariats d’Algérie. C’est une routine et les flics disent “Mais on ne peut pas utiliser d’autre méthode avec les Arabes etc… ». C’est vraiment une coutume. Ce qu’il se passe pendant la guerre de l’indépendance algérienne, à partir de 57, il y a un papier que je vais sortir dans Médiapart jeudi c’est qu’on passe à l’échelle industrielle. Ça devient prôné, ça devient le cœur de l’action militaro-policière, la recherche du renseignement. Et les militaires ont carte blanche et ils vont en faire un système qui va faire des dizaines de milliers de victimes entre 57 et 62. On a sorti, à juste titre, un beau document sur les réseaux sociaux : on a trouvé une publication de Franc-tireur partisan de 1945 qui titre « des Oradour sur Glane en Algérie ». C’est la seule référence qu’ont les gens qui découvrent les réalités coloniales à ce moment-là, c’est le Nazisme. Et c’était une comparaison qui était fréquente, pas courante, mais que beaucoup ont fait, même avant la guerre d’indépendance algérienne. Claude Bourdet en 51, je crois, écrit un article en disant “Y a-t-il une gestapo française en Algérie ?”. Voilà je ne sais pas si j’ai répondu à ta question que j’ai un peu oubliée là.

NM : si ça y répond. C’est comme toujours, c’est-à-dire que c’était une évidence et ça ne l’est plus aujourd’hui : la filiation elle est à la fois antérieure au nazisme de la même manière que l’histoire du fascisme est là aussi des prémisses en France au niveau théorique au 19e siècle. Donc il y a une filiation française des autres fascismes européens, et il y a aussi une filiation très pratique et matérielle dans ce qui a pu se passer, notamment au sein de l’armée française, où, même aujourd’hui j’ai découvert à propos de madame Florence Bergeaud-Blackler la « grande chercheuse » quand elle a été décorée de la Légion d’honneur, je suis allée voir qui était le général à ses côtés : c’est un général qui dit, lui-même, que sa référence c’est son oncle, para en Algérie et qui a malheureusement péri dans un incendie déclenché par la résistance. Encore aujourd’hui, des grands militaires comme ça peuvent très bien assumer. C’est un monsieur qui a été commandant des armées, il peut très bien assumer de dire « ma référence c’est l’Algérie et c’est la destruction du FLN. ». Et après, c’est ce moment où justement les deux histoires sont totalement disjointes par le discours actuel et la théorie du nouvel antisémitisme qui bloque immédiatement tout ce qui peut se passer sur l’histoire européenne, à la fois dans son rôle sur l’extermination des juifs d’Europe, et sur ce qu’il s’est passé ensuite en Algérie et ailleurs. Et justement, je voulais t’interroger là-dessus : qu’est-ce que tu as rencontré par le passé, en termes de censure et de blocage, dans ton travail de chercheur et qu’est-ce qu’il se passe aujourd’hui,  notamment pour de jeunes chercheurs qui travaillent sur ces questions, parce que finalement Aphatie, c’est ce qu’on voit, mais, j’imagine que si on en est là dans les grands médias, évidemment, sur le terrain de la recherche, la censure ou les blocages doivent être aussi très importants ?

FR : Et bien écoute, personnellement, je n’ai jamais eu à subir véritablement ce genre de choses. Alors bon, quand j’étais encore sur X (ex Twitter) j’avais droit à ma ration quotidienne d’injures, « traître à ta race » ; « soumis » ; « dhimmi » ; et autres trucs qui ont cours chez ces gens-là. Bon,  cela dit, mes travaux je les ai menés. Pour ce qui est de la recherche sur le colonialisme en général le problème, c’est peut-être plutôt le le peu de part qui est donnée à cette recherche-là dans les universités françaises, à ma connaissance. Je ne suis pas dans le sérail, donc je ne peux pas en parler avec beaucoup d’expertise, mais,  je sais qu’on parle beaucoup des archives et des archives de l’armée française ou des archives de la guerre d’Algérie, beaucoup aujourd’hui sont ouvertes,  pas toutes, mais il y a une énorme quantité d’archives et il n’y a pas beaucoup d’historiens pour les consulter, malheureusement. Alors c’est évidemment, aussi, un problème politique, mais  voilà…

NM :  c’est-à-dire qu’aujourd’hui, il y a toute une partie de l’Histoire qui ne se fait pas, parce qu’il n’y a pas de crédit pour…

FR : écoute oui, je pense que ce n’est pas une priorité, c’est pas les carrières les plus profitables sur la question coloniale.

NM : Par rapport à l’éventuelle censure et par rapport à ce qui va suivre…

FR : c’est plutôt au niveau des médias que ça se passe, c’est-à-dire qu’on a vraiment un blocage. Il m’est arrivé quelque chose d’assez rigolo en 2022, c’était l’année du 60e anniversaire de l’indépendance algérienne, France 2 m’a contacté pour faire un sujet, au journal télévisé de 20h, sur les disparues d’Alger en 57. Formidable ! Donc on m’envoie avec une équipe de un caméraman, un preneur de son et une journaliste à Aix en Provence aux archives nationales d’Outremer. Je fais ouvrir les archives nationales d’Outremer tout un après-midi d’un jour férié pour que le tournage puisse se produire tranquillement, les journalistes rentrent à Paris, moi chez moi à Besançon et le soir dit, ça devait être le 19 mars 2022, anniversaire des accords d’Evian, le sujet qui est passé c’est un sujet sur les pieds noirs. Et le sujet sur les disparus a été fait, payé, monté mais il n’a jamais été diffusé. Alors, c’est une petite anecdote, mais il y a vraiment un blocage. Alors, il y a quand même des petites avancées ici là, on a pu voir quelques très bons documentaires, celui qui a été dirigé par Raphaëlle Branche, qui était passé sur Arté (voir ici). Mais on entend beaucoup d’âneries dans la classe politique et médiatique. C’est dans nos « élites », on entend une quantité d’âneries astronomique avec le truc qui tue les historiens : c’est la théorie des torts partagés. L’armée française a fait des choses pas belles, mais le FLN aussi, donc voilà. C’est aussi le sens de ce que fait Macron, avec son goutte-à-goutte mémoriel, là, un truc de temps en temps : c’est de dépolitiser, de refroidir complètement cette Histoire. On est au niveau de la compassion. Parce que c’est vrai que la souffrance des Algériens, des pieds noirs, des Harkis, c’est de la souffrance humaine, et donc, ça mérite de la compassion. Sauf que, là, on est au niveau historico-politique, on est complètement à côté quoi. Et donc, on vous dit “Oui mais bon il y a eu des violences des deux côtés » comme si on ne pouvait pas faire comprendre que les deux violences ne sont pas du tout équivalentes, ni moralement, ni politiquement, qu’il y a d’un côté un état surpuissant qui mène une guerre pour empêcher un peuple de se libérer, et de l’autre, une violence d’un peuple à qui on n’a pas laissé d’autre choix que cette violence,  pour aller vite.

NM : par rapport au discours, parce que tu as beaucoup parlé du FLN, on a beaucoup travaillé  contre les négationnistes du génocide commis par les nazis et par Vichy, il y a eu toutes ces questions de ce qu’on appelle la pénalisation du négationnisme, pas que en France d’ailleurs, dans d’autres pays aussi, et de ces infractions qui, de fait, se fondent sur un délit d’opinion. Je voudrais ton opinion sur un délit qui est très utilisé, qui a été créé soi-disant pour lutter contre les propos de Dieudonné (le premier procès emblématique pour apologie du terrorisme  quand ça a été sorti des délits de presse, ça a été celui de Dieudonné) qu’on pouvait très bien poursuivre pour incitation à la haine. Je voudrais ton opinion sur ce délit-là, parce qu’actuellement il s’applique de manière de plus en plus large en France, à propos de la Palestine c’est-à-dire que, contrairement à ce qui se passe au niveau des jurisprudences de la Cour européenne des Droits de l’Homme aujourd’hui, ce n’est plus simplement le fait de parler de manière positive ou vaguement positive de mouvements qui sont qualifiés en France de terroristes, de leurs actes, mais c’est aussi simplement le fait de parler de manière positive d’un personnage, qui, par ailleurs, est accusé de terrorisme. Ce qu’il s’est passé pour le procès d’Abdouramane Ridouane, qui a eu lieu hier, ce qui a été dit  très clairement, c’était que le simple fait de retweeter une bio d’un dirigeant du Hamas, puisque c’était ce dont il était question, c’était comme applaudir tous les actes à caractère terroriste (et non pas à caractère politique) de ce dirigeant-là. Je voulais te demander ton sentiment d’historien là-dessus, parce que, finalement, on finit par se demander dans le contexte où en plus on lie Algérie et Palestine, ce qui va nous arriver dans un ou deux ans, si on ose dire ce qu’on dit à toutes les commémorations du 17 octobre : « vive le FLN ». Donc, je voulais avoir un peu ton sentiment sur ces délits-là qui finissent aussi par impacter plus seulement la parole publique, mais aussi plus largement la recherche, l’expression des chercheurs.

FR : Oui, j’ai constaté moi aussi, sans être aussi impliqué que toi, sans connaître aussi bien les choses que toi, ce que certains appellent un néo Maccartisme à la française sur la question, notamment, palestinienne, jusque dans l’université. Là, on vient de voir des étudiants de Sciences-po virés de leur école parce qu’ils ont osé soutenir la Palestine et contesté un partenariat avec, si j’ai bien compris, une université israélienne. Il y a pléthore de gens qui ont été convoqués par les flics sur la plainte de cette association ultrasioniste dont j’ai oublié le nom …

NM : oui l’OJF et l’OJE et deux ou trois autres…

FR : voilà donc : intimidation, condamnation, interdiction professionnelle, c’est particulièrement inquiétant et grave. On n’en est pas encore là. Il faut quand même remettre à sa place l’importance de cette fachosphère qu’on entend quand même beaucoup dans beaucoup de médias mainstream, maintenant, c’est ça la grande nouveauté de ces dernières années. Mais sur les réseaux sociaux, il y a en France, dans la société française, des forces, même si elles n’ont pas forcément de débouché politique, qui sont sur des positions, on va dire, décoloniales. On a pu le constater, par exemple, au moment de ce qu’on a appelé la génération Adama en 2021. On a quand même vu des masses de gens, de jeunes en particulier, descendre dans la rue et en faisant des liens très explicitement entre l’héritage colonial, le racisme systémique aujourd’hui, l’islamophobie etc… Bon alors maintenant s’il n’y a plus non seulement Retailleau mais aussi Julien Odoul et je ne sais qui d’autre encore dans le gouvernement, on peut s’attendre à tout, c’est clair. C’est un des risques qu’on court si le RN arrive lui-même au pouvoir, et je dis « lui-même » parce qu’il est déjà présent dans certains ministères, mais bien sûr que c’est quelque chose qui peut se produire, c’est-à-dire qu’on criminalise dans un régime – là je veux dire ce qui se passe aux États-Unis avec Trump nous nous a ouvert le l’esprit

NM : …et nous montre que ça peut aller très vite …

FR : nous fait comprendre que tout peut aller à une vitesse complètement folle et on peut penser qu’il y ait une criminalisation du décolonialisme, alors il y en a déjà une en particulier, il y a déjà du harcèlement judiciaire, il y a déjà des résolutions votées, des projets de résolution proposés à l’Assemblée ou au Sénat, qui sont déjà des choses de ce type-là. Oui c’est quelque chose qu’on peut craindre effectivement. Et alors, pour ce qui est du lien entre le déni colonial français et le refus d’envisager de regarder en face la situation coloniale qui est celle des Palestiniens, ou celle des Kanaks, c’est clair : ceux qui nient les réalités coloniales en Algérie, les réalités passées, ce sont les mêmes qui refusent de les voir aujourd’hui en Palestine ou en Kanakie, on est dans la même logique.

NM : Alors, pour finir peut-être sur une perspective plus positive, admettons que la gauche gagne les élections, il faut qu’elle ait un programme avant. Il se trouve que dans l’histoire de la mémoire des génocides et des crimes contre l’humanité, il a été possible, malgré des législations nationales au départ très restrictives, et puis avec, par exemple en Allemagne, tout ce qui a été fait pour que d’anciens SS ne soient pas jugés. Malgré tout, même encore aujourd’hui, on réussit à juger des nazis, notamment des gardiens de camp d’extermination, est-ce que tu penses que, en tant qu’historien, ce serait possible, à un moment, de revendiquer que cette loi d’amnistie saute, au moins pour des faits extrêmement graves, et qu’enfin, ne serait-ce que pour la vérité, c’est pas la question que les gens aillent en prison à 95 ans ou ce genre de choses, on n’est pas comme eux, mais de revendiquer qu’il y ait ces procès tant que ces personnes sont encore vivantes, parce que ça va au-delà du crime de guerre, et que c’est aussi du crime contre l’humanité.

FR : on est bien d’accord alors tu disais « dans l’hypothèse où la gauche arrive au pouvoir », le problème c’est que la gauche, toute la gauche, est loin d’être prête à faire ce genre de choses. C’est-à-dire qu’il faudrait déjà, par exemple, que tout le courant issu du Parti socialiste, mais aussi dans une certaine mesure, enfin, dans une moindre, beaucoup moindre mesure, du Parti communiste, ait fait l’inventaire de sa propre histoire colonialiste. La SFIO, l’ancêtre du parti socialiste, est la force politique qui a la plus lourde responsabilité dans, par exemple, l’intensification de la terreur en Algérie, pour ne parler que de l’Algérie. Elle n’a jamais fait l’inventaire de tout ça, donc il n’y a pas de réflexion -et on le voit sur le positionnement par rapport aux situations coloniales présentes d’un grand nombre de socialistes-. Donc, ça ne serait pas suffisant qu’elle arrive au pouvoir. Alors ensuite, il y a eu des tentatives de faire sauter, enfin de contourner l’amnistie en essayant d’attaquer sur le terrain justement du crime contre l’humanité. Le problème, c’est que ce qu’a signé la France dans les… -alors écoute j’ai pas révisé donc j’ai oublié les dates- mais ce qu’a signé la France, c’est l’idée que les crimes coloniaux de la France sont exclus du champ du crime contre l’humanité. Et ça, c’est très compliqué. J’essaie d’avoir un texte… Il se trouve qu’il y a eu un truc en Belgique qui est peut-être une brèche. Il y a quelques mois, des plaignantes qui avaient subi, je crois que ça se passait au Congo belge, les horreurs de la part de l’autorité coloniale belge, ont fait reconnaître qu’elles étaient des victimes d’un crime contre l’humanité. C’est la première fois en Europe qu’un Etat est condamné, y compris à des réparations, pour crime contre l’humanité en situation coloniale. Alors, je ne suis pas juriste et je ne suis pas capable de voir quelle portée ça peut avoir, ce qui est sûr, c’est que l’abrogation des quatre ou cinq décrets d’amnistie, le premier a été pris deux jours après la fin de la guerre par De Gaulle, il était exigé par les militaires français qui avaient peur de ce qu’il pourrait éventuellement leur arriver, le vent ayant tourné après la fin de la guerre, donc, tout de suite, on leur a accordé une impunité judiciaire perpétuelle. Mais ensuite, on a multiplié les amnisties complémentaires, jusqu’à amnistier, sous Mitterrand, les anciens criminels de l’OAS en les réintégrant dans les grades, fonctions et pensions qui étaient les leurs avant etc.. Tout ça est très complexe. En théorie, c’est toujours possible d’abroger tout ça, ou de faire une loi qui remplace tout ça, mais ça paraît extrêmement peu probable et, malheureusement, je pense que, à considérer qu’on engage ça aujourd’hui, le temps que ça prendra, fera que tous ces gens-là seront morts et enterrés depuis longtemps. Il n’y a plus beaucoup de protagonistes qui sont en vie. Il y en a un, qui n’est pas des moindres, qui s’appelle Maurice Schmitt, qui est accusé par des témoignages extrêmement circonstanciés d’avoir torturé dans une école qui servait de centre de torture en bordure de la casbah d’Alger, l’école Sarrouy à l’été 1957 et Maurice Schmitt est devenu ensuite chef d’état-major de François Mitterrand, et lui comme Papon ou comme Le Pen, il attaquait en diffamation ceux qui relayaient ces accusations. Il a gagné, plusieurs fois, en vertu de l’amnistie et il coule des jours heureux en Provence. Il doit être très âgé maintenant.

NM : Je crois que c’est bien de faire ressortir des noms comme ça, finalement, parce que tout le monde pense que tout le monde est mort, mais ça ne l’est pas et il y a aussi toutes les associations de leur mémoire à eux qui font vivre cette mémoire de la torture en toute impunité et puis qu’après, ça peut aussi faire partie du rêve, on peut demander n’importe quoi aujourd’hui dans la situation où on est, une éventuelle victoire de la gauche n’étant pas acquise et  peut-être que ça sera un moyen de mettre fin à ce concept de la concurrence des mémoires, qui a été développée par l’extrême-droite et de montrer qu’encore une fois, on peut, comme au temps du procès Papon, faire qu’une victoire pour les uns puisse aboutir au moins dans le débat parce que je pense que par exemple si on parle de ce monsieur Maurice Schmitt très précisément il y a forcément de ses amis sur X qui vont hurler qu’on oserait évoquer ce dossier mais si peut-être que si des politiques et des historiens sont relayés par les politiques on pourra avoir au moins ce débat parce que moi je suis née à la conscience politique avec cette histoire de loi d’amnistie et je crois que ça a beaucoup compté pour ma génération parce que nous-même on était amnésiques, nos grands-parents, mon grand-père n’en parlait pas de ce qu’il a vécu le 17 octobre et notamment de ses amis qui sont morts et ensuite on découvre qu’il y a cette amnistie légale qui de fait a empêché toute une génération de savoir ce qu’il s’était réellement passé d’avoir aussi enfin les procès du nazisme, c’est aussi l’occasion d’écouter la parole des bourreaux et dont certains disent enfin la vérité.

FR : je suis bien d’accord.

NM : et ben écoute merci beaucoup, en tout cas, donc « Le Pen et la torture » si tu peux nous rappeler la maison d’édition parce que j’oublie tout le temps.

FR : alors c’est publié en France au PassagerClandestin et en Algérie par les éditions Barzac.

NM : d’accord et est-ce que tu peux nous redire donc l’initiative sur la mémoire des disparus il y a déjà un site avec Malika Rahal que je suis aussi sur les réseaux

FR : c’est un site qui s’appelle 1000autres.org. Et  vous verrez maintenant après toutes ces années donc de recueil de témoignages,  la home page du site ressemble à un mémorial on a  des dizaines et des dizaines de photos que nous envoient les familles de leurs disparus alors tous n’ont pas… Alors notre demande elle est pas seulement ne concerne pas seulement ceux qui ne sont jamais réapparus après leur arrestation par leur enlèvement par l’armée française, elle concerne tous ceux que j’ai trouvé dans un fichier dont certains ont réapparu après des mois ou des années de camp de concentration, et donc on rassemble avec Malika des matériaux considérables grâce à ça qui nous permettront d’écrire prochainement une autre histoire de la bataille d’Alger, comme on dit, parce que ce qu’on lit encore bien souvent, y compris sur des sites sérieux c’est vraiment tiré des mémoires du général Massu, et ça c’est assez insupportable.

NM :  merci beaucoup pour le temps que tu nous as consacré puis pour la richesse de l’entretien et puis à très vite.

FR : merci à vous !

PrecairE, antiracistE