"Je n'ai pas vécu la liberté, mais je l'ai écrite sur les murs" (la révolution syrienne)

L’antifascisme n’est pas un crime

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Après ce qu’il semble avoir été des millions d’années de mandats de Gérard Collomb, le nouveau premier flic de France, Gérald Darmanin se déplace le 7 octobre dernier pour nous parler de ces sujets de prédilection: insécurité, vidéosurveillance (pardon, “vidéoprotection”) et augmentation des effectifs de police dans les rues de notre ville lumière, Lyon, la capitale de l’extrême droite. Darmanin prononce ses inepties post inauguration du nouvel hôtel de police du 8ème et visite des locaux d’Interpol. Ambiance.

Vidéoprotection, parlons-en.

Lors d’une manifestation non déclarée contre le pass sanitaire le 28 août, des militants antifascistes et des sympathisants de la GALE (Groupe Antifasciste Lyon et Environ) se sont confrontés à des membres de Civitas qui se définit lui-même comme “lobby catholique traditionaliste” aka groupuscule intégriste d’extrême droite. Tout ça est évidemment filmé par une des nombreuses caméras de surveillance présentes dans la presqu’île de Lyon.

Les supposées victimes de Civitas n’ayant ni déclaré d’ITT ni porté plainte, il n’y aurait pas dû avoir de poursuites. Pourtant, exceptionnellement, dans ce type d’affaire, le parquet s’auto-saisit et la procureur demande le placement en détention de l’ensemble des prévenus.

Le 21 et 22 septembre, sept militants sont interpellés chez eux et sur leur lieu de travail. Ils sont d’abord maintenus en garde à vue pendant 24 à 48h. On leur parle alors à plusieurs reprises de la “raison politique” de cette opération. La bande vidéo témoin reste évidemment entre les mains des forces de l’ordre, on se demande bien qui va-t-elle “protéger”. Parmi les sept militants, quatre d’entre eux sont incarcérés après leur passage devant le Juge des Libertés et de la Détention dans le cadre d’une comparution à délai différé. Les trois autres sont placés sous strict contrôle judiciaire.

Les chefs d’inculpation sont :
Violence en réunion n’ayant pas entraîné d’ITT (interruption temporaire de travail).
Groupement en vue de commettre des délits durant une manifestation.
Participation à une manifestation non déclarée.
Refus de donner leur codes de chiffrement (téléphone portable) et dans le cas d’un prévenu, refus de prélèvement ADN.

La comparution à délai différée, qu’est-ce que c’est ?

En temps normal, après une garde à vue, un.e prévenu.e peut être présenté.e en comparution immédiate afin d’être jugé.e tout de suite. Cette procédure ne laissant pas de temps à la défense de préparer ses arguments, il est courant de demander un report de cette audience (qui intervient alors dans un délai de deux à quatre mois). La nouveauté avec la comparution à délai différé (expérimentée depuis 2019), c’est que cette audience n’intervient pas à la fin de la garde à vue mais de deux à six semaines après celle-ci et qu’elle ne peut être refusée. C’est donc la garantie d’une justice expéditive et surtout une machine à envoyer les prévenu.e.s en détention provisoire. Au 1er août 2021, ce sont ainsi 18 641 personnes qui étaient détenues sans aucun jugement (soit 27,3% de la population carcérale).

Le comité de soutien aux inculpés du 23/09 écrivent dans leur communiqué: “Ces différentes attaques ne sont pas le fruit du hasard. L’extrême droite a voix aux chapitres partout dans les médias. Dans toutes les villes, des groupuscules d’individus racistes, misogynes, antisémites, homophobes etc. ne cessent de partir en chasse contre celles et ceux qu’ils veulent épurer. Ils agissent en toute impunité, pendant que nos luttes sont criminalisées. Le parquet aux ordres, les juges d’instruction et leurs associations de malfaiteurs, les juges des libertés qui en privent seulement celles et ceux de notre classe, agissent de concert dans l’intérêt de ceux qui prônent la haine.”

Le 15 octobre, la sœur d’un des inculpés est également placée en GAV pendant 12h sur le motif de “violence aggravée” lors de la manifestation du 1er mai. Sans surprise, c’est elle-même qui avait été traînée par terre par les forces de l’ordre. Le parapluie qu’elle portait est également qualifié d’arme. Elle sort de sa garde à vue sans aucune menace de poursuite ce qui est évidemment perçu comme un nouveau coup de pression sur les militant.e.s et leur familles.

Dissolution et justice à deux vitesses

On aurait pu s’attendre qu’à la suite de la dissolution du groupe Génération Identitaire prononcé le 3 mars dernier, les ratonnades et autres joyeusetés se calment.
Ce décret n’a jamais concerné les lieux d’association et de regroupement implantés depuis des années dans le quartier du Vieux-Lyon.

Et comme en 2019 à la fermeture de Bastion Social (ex GUD), les identitaires n’ont pas été plus inquiétés que ça et ont continué à se retrouver dans d’autres lieux: la salle de boxe de l’Agogée ou le bar associatif de la Traboule, le siège national de Génération Identitaire, réouvert après plus d’un an et demi de fermeture administrative, pour une vague histoire de mise aux normes.

La dissolution de la seule association Génération identitaire a donc permis au mouvement de continuer l’occupation de ses locaux, sous couvert de “complexe communautaire sportif et culturel” rebaptisé Les Remparts et donc de les fusionner. L’union faisant la force etc etc

Suite à ce décret du 3 mars 2020, Darmanin avait pourtant déclaré:
« Si des personnes qui appartenaient à Génération identitaire, visées par mes services, se retrouvent regroupées, si le suivi montrait qu’ils sont en relation, qu’ils ont des intérêts communs, il est évident que nous reprendrions des dispositions pour dissoudre et fermer ces lieux. » Sous peine d’une amende de 45 000 euros et 3 ans de prison.

On note l’usage du conditionnel (que même mon correcteur d’orthographe souligne).

En maintenant ses activités dans leurs locaux, l’organisation aurait dû se rendre coupable de maintien ou de reconstitution de ligue dissoute, mais non. Et ça ne peut qu’appuyer l’impression de protection et d’impunité de la justice face aux interpellations de plus en plus fréquentes de militant.e.s antifascistes de la métropole de Lyon.

J’en remet une dernière couche: en septembre dernier, Laurent Wauquiez, président LR de la région AURA a menacé de supprimer les subventions régionales annuelles du CCO – vandalisé en 2019 par des groupuscules d’extrême droite – salle de spectacle accueillant depuis des années le Lyon Antifafest. L’événement est maintenu et déplacé à Grrrnd Zero. Mais à ce jour, le CCO ne sait toujours pas si leurs subventions leur seront effectivement sucrées. Wauquiez a fait son beurre et son buzz, il a frappé avant Darmanin donc tout va bien.

Ces attaques et opérations de vandalisation sur des lieux affichés de gauche ou d’extrême gauche sont de plus en plus fréquentes et elles montent crescendo. Elles se font en plein jour et à visages découverts, elles sont filmées et diffusées sur Facebook et Twitter: attaque de la librairie anarchiste la Plume Noire, de la Gryffe, de la Mutinerie, violences aggravées dans diverses manifestations, notamment celle des fiertés lesbiennes… ça me fait mal au cœur de tout lister, libre à vous d’aller regarder, ou pas.

Nos camarades passant en jugement ce jeudi 4 novembre, le comité de soutien des inculpés du 23/09 appelle à un rassemblement devant le tribunal judiciaire, place Marc Aron à partir de 14h. L’antifascisme est l’affaire de tous et toutes.

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