"Je n'ai pas vécu la liberté, mais je l'ai écrite sur les murs" (la révolution syrienne)

Le Vaccin et l’antisémitisme anti-sanitaire, apogée de la pulsion de mort pandémique

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A toutes les personnes antivaxx,sincères et pas fascistes que j’ai croisées en ligne et dans le triste réel de cet été pandémique, et dont la colère, la révolte et même les rêves troublés m’ont aidée, lorsque l’antifascisme dans sa version conservatrice ne m’offrait aucune consolation face à la violence macroniste contre les plus précaires. A celles et ceux qui, donc, haïront ce texte, mais les faits sont têtus et la pandémie antisémite un danger existentiel perpétuel, à celles et ceux dont j’espère qu’ils vivront, et les retrouver vite, enfin vaccinés, et  sans les fascistes, dans les luttes pour la Vie . 

Quand la sphère antisémite militante veut définitivement emporter le morceau dans une affaire, il lui faut trouver de préférence, un Juif qui n’ait pas « une tronche très catholique », comme le disait feu Georges Frêche à propos de Laurent Fabius.

Ce fut chose faite avec le ciblage de Laurent Fabius en tant que président du Conseil Constitutionnel et de son fils par le mouvement antivaxx. Auxquels se joignent évidemment les mouvements anti IVG. Quasi simultanément, le mot d’ordre antisémite «  Qui ? » porté au départ de manière anecdotique par quelques manifestants se généralisait dans les manifestations de l’été.

La résistance au pass sanitaire n’était pas en elle même suffisamment porteuse. En effet, elle n’est pas en soi une résistance à la science et au progrès, elle porte même un récit solidaire sur la pandémie, contre sa gestion par le gouvernement français, elle est même pour beaucoup d’entre nous, vaccinés par ailleurs une solidarité matérialiste.

Vivre tous, ensemble, et que ne soient pas une nouvelle fois exclus les plus éloignés de l’accès à l’information sanitaire et à la santé. Ceux qui ont déjà payé le plus lourd tribut au virus, de par leur situation sociale .

La sphère antisémite de gauche comme de droite se moque bien de tout cela. Son objectif est la passion mauvaise et hallucinée, meilleur moyen de mettre la main sur la foule apeurée, en excitant sa pulsion de mort.

Une petite histoire de l’antisémitisme à l’huile essentielle de lavande nihiliste

Petit retour en arrière dans l’histoire de l’antisémitisme français. Métastases, un film peu connu de Dieudonné sort au début des années 2010: il raconte l’histoire d’un homme atteint du cancer que Dieudonné va sortir des griffes de la médecine “enjuivée” pour l’emmener guérir avec les “médecines” alternatives ancestrales. Film glaçant, qui agite à la perfection la peur du de la mort. À l’époque de la sortie du film, Dieudonné est en plein bizness néo sanitaire avec toutes sortes de gourous sectaires et d’anciens médecins dont justement beaucoup d’anti vaxx.

Une extension du domaine de la lutte. Dieudonné est idéologue et homme d’affaires, or faire du fric uniquement avec l’exploitation de la cause palestinienne n’est pas si facile que cela.Nous sommes au début des années 2010 et ses fréquentations néo-nazies et négationnistes d’extrême-droite ont fini par lui aliéner une partie de ses amis de la gauche radicale antisémite. De plus, force est de constater que le sort des arabes et des noirs n’intéresse pas grand-monde en France. Dieudonné va donc explorer brillamment d’autres champs de l’antisémitisme.

A l’époque le phénomène antivaxx a connu un premier succès en France . Tout est parti de l’achat par Roselyne Bachelot de millions de doses de vaccins contre la grippe A qui ne se sont pas avérées utiles. Avec la sottise oppositionnelle de principe qui est la sienne, une grande partie de la gauche décide de l’attaquer sur cette base, de concert avec l’extrême-droite et les débuts du mouvement antivaxx. C’est à dire qu’au lieu de se réjouir de vivre dans un pays, où un gouvernement décide d’acheter des vaccins en prévention, l’on va hurler au scandale, au gaspillage d’argent public, et exploiter certaines collusions existantes entre les laboratoires pharmaceutiques et le gouvernement. Comme à l’accoutumée devant le succès de la ritournelle, les directions de gauche ne se posent pas la question de savoir si par hasard, il ne serait pas judicieux et moins casse-gueule politiquement d’aller plutôt chercher d’autre collusions entre des entreprises et le gouvernement, en ciblant d’autres secteurs de production, mortifères en eux même (1).

Il faut dire que l’époque est aussi à la mode écologiste individualiste réactionnaire. Face au réchauffement climatique, et aux dérives de l’agro-alimentaire, une partie de la classe moyenne qui en a encore les moyens s’est lancée dans la grande course à la nostalgie des remèdes de grand-mère ( des “peuples premiers” disent déjà certains qui se targuent en sus d’anti-occidentalisme primaire, sans avoir remarqué qu’à travers le monde, beaucoup d’humains se battent pour l’accès la santé et à la science, sans se soucier des paternalistes qui les rêvent en bons sauvages (2) ). Avec enthousiasme, une partie des gens a décidé que l’on vivait et consommait mieux au Moyen Age, ce qui aura pour effet d’une part d’augmenter le prix de vente du savon noir et de la valériane, mais aussi et surtout de faire la fortune de charlatans variés, qui, en dénonçant divers complots contre la santé naturelle vont pouvoir vendre des « thérapies alternatives », et des séjours de purification intensive censés faire du cadre moyen, un Homme Nouveau.

Dieudonné, qui est néo-nazi n’a absolument rien à redire à la purification et à l’homme nouveau, surtout si ça peut rapporter gros. Avec Alain Soral, ils s’acoquinent donc avec quelques médecins renégats et beaucoup de charlatans et gourous, et partent en guerre contre les additifs alimentaires, les vaccins, la chimiothérapie. Ils apportent à tous ces charlatans un récit unificateur et global, un partage du travail, en quelque sorte, que l’on retrouve aujourd’hui à la puissance mille dans la sphère antivaxx depuis le début de la pandémie. D’un côté le récit antisémite, les deux leaders étant capables de trouver le Mauvais Juif dans n’importe quelle histoire, non qu’ils soient partout mais le conspirationnisme consiste non pas à tirer des fils mais à tricoter avec talent des liens qui n’existent que dans le cerveau de ceux qui ont de bonnes raisons de les voir. De l’autre, les poudres de perlimpinpin des charlatans , vendues à prix d’or grâce à diverses boutiques en ligne crées ad hoc (3).

Parmi les complices charlatanesques de nos deux leaders néo-nazis, l’on peut par exemple se rappeler de Sylvie Simon (4), qui dès 1997 écrivait un ouvrage intitulé « La dictature médico-scientifique » , et se consacra dès le début des années 2000 à divers pamphlets contre les vaccins, en recopiant avec un certain talent toutes les rumeurs existantes, notamment celles qui en faisaient la cause de l’autisme. Ceci n’empêchera pas Sylvie Simon de se faire préfacer par Corinne Lepage en 2004 , ni d’être citée sur énormément de sites « altermondialistes » lors du prétendu scandale de l’achat de vaccins contre la grippe A par Roselyne Bachelot.

Sylvie Simon a été recrutée dans la sphère dieudonniste par Le Libre Penseur, alias Salim Laibi, dentiste marseillais furieusement antisémite, le premier à aborder le sujet par les questions de santé dans cette sphère.

Mais finalement, le « scandale des vaccins » se fait oublier, et Dieudonné qui a toujours un temps d’avance décide donc de se consacrer provisoirement à exploiter une autre peur primale et très répandue : le cancer. En virtuose politique, artistique et affairiste du néo-nazisme, il avance sur trois fronts. Outre Métastases, il fait plusieurs sketches réellement glaçants sur le cancer dans ses spectacles. Et pour cause, l’un de ses amis est en train d’en mourir, et il retranscrit à la perfection la peur du malade, mais aussi celle de ses proches, tout en agitant l’espoir de la guérison « alternative » et celle que la maladie n’existe en fait pas vraiment et soit créée de toutes pièces par la médecine « enjuivée » et son monde. Cependant conscient que le schéma ne peut pas fonctionner sans victimes totalement innocentes à défendre, Dieudonné ira jusqu’à aller visiter des enfants atteints du cancer à l’hôpital, avec qui il fera des quenelles.

L’antisémitisme sanitaire restera un des aspects du dieudonnisme, sans plus. Un moyen d’élargir son influence politique mais surtout de se partager de juteux bénéfices avec des marchands de sornettes, dont certains lanceront des entreprises performantes comme  Casanova et son crudivorisme qui lui permettra de vendre des presse-agrumes à prix d’or pendant des années. Bien d’autres coachs, médiums transcendantaux et religieux de bazar feront aussi leur beurre sur tout cela. Il est à noter qu’il s’agit d’une caractéristique assez classique des mouvements antisémites : Raphaël  Viau, collaborateur de Drumont décrit ainsi avec amusement dans son autobiographie un phénomène très similaire à l’époque, avec des cercles de spirites, d’exorcistes ou de vendeurs de potion miracles qui gravitent autour du journal La Libre Parole, amenés par un autre pilier de la mouvance de l’époque, Gaston Méry (5).

Mais toutes les périodes antisémites n’ont pas la chance d’une pandémie mondiale.

Traumatisme pandémique et massification de la pulsion de mort antiprogressiste.

Dès le milieu des années 2010, l’antisémitisme à vocation sanitaire est donc une composante d’un mouvement idéologique et militant principalement axé sur d’autres déclinaisons politiques , l’antisémitisme économique ou antisioniste par exemple. Il prend cependant de l’ampleur à chaque scandale sanitaire réel et profite aussi du réchauffement climatique par exemple, en faisant sa niche dans certaines sphères écologistes. Les théories des chemtrails par exemple sont presque toujours assorties de sous-thèmes antisémites. Beaucoup de gourous associent des récits antisémites à leurs charlataneries spiritualistes. A l’inverse tous les grands sites antisémites se dotent d’une rubrique « santé naturelle » , qui sera mise en valeur dès qu’une occasion se présente, par exemple l’obligation vaccinale infantile étendue au début du quinquennat d’Emmanuel Macron.

Mais un phénomène politique massif ne peut pas être analysé seulement par l’offre proposée par des leaders militants, et il est nécessaire de prendre en compte la demande qui s’exprime dans une société à un moment historique donné.

La pandémie , la quête de sens, la réponse antisémite.

Il n’y a pas de complot antisémite ou fasciste. Raison pour laquelle la brutalité de la rupture du quotidien induite par la pandémie de Covid 19 a autant surpris les fascistes que les autres. Et l’observation des sites d’extrême-droite pendant les premières semaines du confinement en France faisait apparaître une réalité surprenante au regard de l’homogénéité habituelle des récits . Là, se produisait la même chose que dans le reste de la société, l’expression de la désorientation, de la peur, de la détresse, l’oubli provisoire des sujets habituels. Et d’immenses divergences sur l’existence et la dangerosité du virus, sur la nécessité ou pas du confinement, sur les masques.

Et le complotisme n’est pas venu des complotistes habituels. Ce ne sont pas ses leaders qui ont emporté la première manche, mais un médecin marseillais, tenancier d’un établissement extrêmement prestigieux, puisqu’il avait été sous Sarkozy, l’un des premiers exemples de partenariat public/privé dans le domaine de la santé. Didier Raoult n’est pas un fasciste militant, il n’est pas non plus un vendeur de poudre de perlimpinpin en boutique virtuelle.

Mais il est là pour répondre à une demande fort simple : celle du remède miracle et de la sortie de crise. Il a le bon sens pour lui, c’est à dire cette illusion communément partagée au sein de la modernité capitaliste occidentale : il n’est pas possible que quelque chose d’aussi grave arrive, ce n’est donc pas si grave, et un homme providentiel a la solution. A ce moment précis de la pandémie, la demande collective est celle d’un espoir, pas d’un décryptage, on veut sortir, retrouver la normalité, survivre . La différence entre le discours de Raoult, même lorsqu’il se plaint de ne pas être écouté et d’être boycotté par les pouvoirs publics, et la rhétorique antisémite est dans l’optimisme du médecin marseillais, un optimisme concret, un médicament qui existe déjà et hop tout est fini. Dans cette première période qui va durer jusqu’à la rentrée de 2020, et la compréhension définitive de la permanence du désastre pandémique, les grands vecteurs de propagande antisémite se rangent tous derrière le mouvement d’adhésion massif pour Didier Raoult, qui à ce moment précis rassemble des gens d’absolument tous les courants politiques, de toutes les classes sociales aussi (6).

La demande va changer lorsque l’espoir va s’éteindre. De la quête de la sortie de crise, on va passer massivement à la quête de Sens, même apocalyptique et pessimiste.

Les pouvoirs publics français n’offrent en effet aucun récit particulier, et se lancent même dans la course permanente à l’absurde et la à l’auto-contradiction pour masquer l’échec de leur politique sanitaire. Ils incarnent à vrai dire à la perfection l’inverse du Pouvoir de l’imaginaire complotiste : ils sont bêtes, imprévoyants, totalement paumés face à l’événement historique. Certes ils mentent comme des arracheurs de dent, mais usent de mensonges qui se contredisent entre eux  au fil du temps. Mensonges qui se doublent en permanence d’un optimisme finalement désespérant, celui de la promesse d’un retour à la normale et d’une fin de pandémie annoncée dix fois et toujours reportée. Mensonges qui se triplent d’un ton martial, punitif et culpabilisant, si le retour à la normale ne revient pas, c’est de la faute « des gens » qui n’ont pas respecté telle ou telle règle et sûrement pas du gouvernement qui n’a pas mis en place de politique sanitaire convenable .

C’est évidemment dans ce contexte que la structure immuable du récit antisémite, (qui sert de squelette et de trame minimale à tout discours conspirationniste, même lorsque ceux-ci ne visent pas les Juifs ), va s’avérer correspondre redoutablement à la demande de Sens. Parce qu’il est d’une simplicité absolue, parce qu’il est une boucle pessimiste d’explication de l’histoire, un repère intemporel qui permet de retrouver une « normale » justement.

Une des failles de l’antifascisme fondé sur l’observation des réseaux sociaux consiste à toujours chercher du nouveau, des profils d’une certaine apparence, des groupes récemment crées, des modes conspirationnistes. On oublie souvent que les gens sont très souvent les mêmes au fil des années, et que le phénomène antivaxx, par exemple, est en partie composé de militants qui, il y a six ou sept ans passaient leur activité virtuelle à poster contre le sionisme. On cherche des sigles et des hashtags innovants, là comme ailleurs, en oubliant que ceux-ci sont surtout l’écume des jours . Mais ces « nouveautés » antisémites comme «  Qui » par exemple, ne prennent que parce qu’un public les attendait.

Si les antisémites actifs et conscients ont toujours été présents au sein du mouvement de déni de la pandémie, ils ne vont prendre l’ascendant qu’au moment où au refus du réel fondé en partie sur le choc traumatique causé par le bouleversement du quotidien, sur un «  je préfère que ce ne soit pas arrivé », parfaitement compréhensible, va succéder un pessimisme absolu causé par la persistance pandémique et par l’incurie gouvernementale.

Le moment du «  Vive la mort » puisqu’il n’y a plus que cela. Le moment du refus absolu de l’espoir et de la vie, le refus du vaccin. Le moment où l’angoisse pandémique est tellement intense et si peu prise en compte par les pouvoirs publics qui ont passé leur temps à surveiller et punir, qu’elle se retourne contre ceux qui l’éprouvent, dans un mouvement d’auto-destruction qui est aussi destruction des autres. C’est dans ce moment que le récit antisémite s’impose, parce qu’il correspond à la demande de sens .

Le Vaccin est le Pouvoir, le Pouvoir est au main des mêmes que d’habitude, la minorité sur qui on l’habitude de se défouler depuis au moins 2000 ans.

Les conspirationnismes actuels ont en temps normal la forme de la profusion et du chaos : cent théories, cent sujets, cent prédicateurs, cent récits alternatifs, peuplés de cent versions différentes des cercles occultes du pouvoir. Jamais l’offre conspirationniste n’a été aussi grande qu’aujourd’hui, elle permet une consommation frénétique, permanente addictive, qui tourne en rond sur elle-même.

L’anti-conspirationnisme d’ailleurs, adopte aujourd’hui souvent le même mouvement, courant après la dernière théorie, le dernier gourou, la dernière vidéo, la dernière rumeur à la mode. En temps « ordinaire », le conspirationnisme est d’abord du Verbe, un bruit de fond permanent qui structure la parole de millions de gens sur le réel, une activité essentiellement virtuelle. Le conspirationnisme, bien qu’éminemment politique débouchera très peu sur les formes traditionnelles de la politique tout au long des années 2010 : les leaders antisémites échouent lamentablement dans leurs initiatives électorales, et les mobilisations de rue vraiment conséquentes sont rares. Le néo-fascisme conspirationniste est le plus souvent un virus à diffusion lente dans les mouvements sociaux, il a besoin de porteurs à qui s’accrocher pour contaminer dans les sphères associatives, syndicales, dans les manifestations de rue qu’il ne déclenche que rarement lui-même.

C’est la pandémie et le pouvoir qui vont finalement l’amener à l’âge adulte, celui de la mobilisation de rue autonome, ce à quoi nous assistons depuis plusieurs semaines.

Les manifestations contre le masque avaient finalement réuni peu de gens, et le port du masque avait fini par s’imposer. La campagne de vaccination ne rencontrait pas de résistance concrète et massive, même si elle avançait moins vite que le virus.

C’est la politique du pouvoir et son récit qui ont offert la manche aux conspirationnistes antisémites.

En niant le réel, c’est à dire l’émergence inéluctable du variant Delta, en mimant un catastrophique semblant de retour définitif à la « normale », le printemps macroniste a fait la promesse de trop. « Tout » était fini, on allait retirer le masque, se vaccineraient ceux qui le souhaitaient , les autres pourraient aller consommer en boîte de nuit, et il ne fallait pas écouter les fragiles alarmistes qui voulaient enfermer l’économie et les loisirs.

Quelques semaines plus tard, confronté au retour du réel, pour évacuer sa responsabilité, le gouvernement a choisi de mettre dans la lumière le camp anti vaxx et à travers lui le récit antisémite. En associant une mesure punitive, le pass sanitaire et un récit partisan où le vaccin n’était plus une mesure sanitaire mais un symbole politique, une frontière originelle entre le Bien et le Mal, entre les bons citoyens français et les méchants non-vaccinés.

Il a offert au conspirationnisme la possibilité de la victoire massive, car il ne leur restait plus qu’à proposer le récit exactement inversé à la déception, à la peur et au désespoir pandémique. Le Vaccin est devenu l’arme de Mort massive, proposée par les mêmes forces obscures à l’œuvre depuis toujours pour propager le mensonge et contrôler la population.

Au QR code comme seule politique sanitaire, répond le «  Qui ? » antisémite comme seule explication de la pandémie.


Et cette fois, après un an et demi de souffrances, de désorientation, de choc traumatique et d’enfermements successifs, les forces fascistes et antisémites peuvent s’appuyer sur une demande : celle de sortir, de manifester à l’air libre et de se défouler, enfin, en ayant une cible simple et familière . C’est la raison pour laquelle le chaos idéologique conspirationniste, ses deux cent théories contradictoires finissent de toute façon par converger vers la simplicité antisémite, huer Fabius, faire des listes de noms Juifs, attaquer les médias et les médecins et les pharmacies, qui , c’est bien connu, sont aux mains des mêmes depuis si longtemps.

C’est la raison pour laquelle le bon vieux négationnisme par identification s’impose aussi facilement. La raison pour laquelle des milliers de gens qui, pour beaucoup ne connaissent ni Faurisson, ni Soral, ni Dieudonné adhèrent à la gestuelle démente qui eut déjà tant de succès il y a des années. Se revendiquer Juifs, porter les symboles de la déportation, l’étoile jaune ou faire du Qr Code un nouveau tatouage de déportés, et en même temps, se comporter comme des néo-nazis en attaquant des cibles identifiées comme juives ou « enjuivées ». Nier la spécificité de ce qu’est un génocide, en osant se comparer à ses victimes tout en défilant avec les héritiers politiques du fascisme historique.

Il n’y a évidemment, aucun espoir de «  récupérer » tout cela à des fins progressistes. Mais aucun espoir non plus d’y mettre fin en ayant comme seul horizon politique le prétendu « anti-conspirationnisme » conservateur proposé par le macronisme. Ce n’est pas en niant l’effroyable bouleversement existentiel créé par la pandémie, en méprisant la souffrance immense créée par les morts innombrables, la maladie, les confinements, l’exposition au virus sans aucune sécurité que nous sommes des millions à avoir subi, ce n’est pas en décrétant que tous ceux qui sont dans une colère et un désespoir insoutenable face à un «  retour à la normale » de plus en plus insupportable sont des conspis qu’il sera possible de faire face à la force du nihilisme fasciste.

Les manifestations de cet été ne sont pas une poussée de fièvre passagère. Peu importe qu’elles continuent ou pas sous leur forme actuelle. La quête de sens à laquelle elles répondent de manière nihiliste ne va pas s’arrêter.

Elle va s’exprimer de la manière la plus violente qui soit au travers du terrorisme néo-apocalyptique qui essaime en France depuis la fin du premier confinement. Les survivalistes qui décident de partir en cavale meurtrière et suicidaire vont se multiplier. De même que les passages à l’acte antisémites au quotidien (7).

Elle va s’exprimer dans les mobilisations de rue sur tous les sujets, sous la forme du Récit complet, que la gauche politique et syndicale ne sait plus proposer. Nous ne convaincrons personne de renoncer au récit conspirationniste qui appelle à renverser le Système, simplement en disant «  Concentrons nous sur la réforme des retraites et l’assurance chômage ». Plus grave, nous ne convaincrons surtout pas la masse des gens qui ne sont pas fascistes , ni soumis à l’influence fasciste, mais juste résignés au triste monde pandémique. Et qui ne voient pas très bien comment gagner sur des revendications concrètes si aucun récit global ne leur propose pas d’arrêter l’absurdité générale et mortifère du capitalisme pandémique.

Comme dans les années 2010, il sera de toute façon impossible de rattraper à court terme ceux qui s’enfoncent dans la rhétorique antisémite et conspirationniste. Raison pour laquelle l’attitude opportuniste et lamentable de certaines organisations politiques et syndicales de gauche, qui défilent avec l’extrême-droite et surtout avec son récit en pensant pouvoir l’infléchir mènera simplement à les infléchir, eux, encore, un peu plus vers le brun.

Il est nécessaire et absolument urgent d’oser, à gauche, retrouver un sens et un récit. Ce n’est pas chose si difficile car cela a été fait lors d’une autre pandémie, celle du SIDA. A l’époque aussi, pourtant, une partie de l’extrême-droite a tenté la rhétorique du massacre des innocents perpétrés par les forces « obscures » et évidemment les Juifs. Lors de l’affaire du sang contaminé, et encore longtemps après, les théories antisémites visant Laurent Fabius de toute autre manière qu’en pointant ses réelles responsabilités de Ministre ont éclos de toutes parts. De même que les théories fumeuses sur la non-existence du virus.

Seulement au moment où elles sont arrivées sur le marché de la demande, d’autres forces sociales progressistes avaient déjà imposé leur récit et leur lutte, celui de l’action et de la vie, comme le disait le slogan d’Act Up. Une immense mobilisation avait éclos chez ceux-là même dont la vie était pourtant compromise individuellement et qui, pour beaucoup, ont mis leurs dernières années de vie au service de tous, ont réellement fait la guerre au virus, au capitalisme, à l’homophobie et aux réactionnaires. Lutte exemplaire car marquée à la fois par des pratiques concrètes de prévention, de solidarité et d’entraide , par des actions extrêmement offensives pour dénoncer les responsabilités des pouvoirs publics, et par une réappropriation de la médecine et des avancées scientifiques. Une lutte qui donnait du Sens à la vie, tout simplement, face à laquelle le Vive la Mort nihiliste n’a jamais pu s’imposer.

 

Notes

 

(1) Des années plus tard, au début du quinquennat Macron, le jeune premier de la gauche rouge-brunâtre anti-système François Ruffin se jettera avec appétit sur le début de résistance à la vaccination obligatoire des enfants en déclarant qu’il faut attaquer Emmanuel Macron sur “des trucs à la con”. Le plus con n’étant pas toujours celui qu’on croit, la France Insoumise passera ensuite le quinquennat à se faire dévorer de l’intérieur par la partie la plus anti-système de ses leaders dont certains finiront par passer au RN ou dans des formations fascistes en la laissant exsangue.

(2) Avec la même arrogance , les mouvements antivaxx français actuels tout en vantant des remèdes exotisants pour “renforcer l’immunité naturelle”, ignorent royalement l’existence des mobilisations massives qui ont lieu cet été au Brésil ou en Afrique du Sud pour exiger l’accès de tous au vaccin.

(3) Le partage du travail entre récit antisémite et récit charlatanesque s’incarne très concrètement dans la création quasi-simultanée par Soral et ses amis de deux boutiques: d’un côté la maison d’éditions Kontre Kulture qui réédite tous les classiques de la propagande antisémite du 19ème et du 20ème siècle et de la boutique en ligne au bon sens, fondée par un couple de jeunes soraliens qui vendent du savon au lait d’ânesse, des huiles essentielles, de la spiruline , le tout encore plus cher que dans les magasins bio assorti d’une propagande antivaxx et antimédecine qui flirte avec la légalité: sans jamais vendre eux-même des produits censés guérir le cancer ou d’autres pathologies graves, leurs lettres d’information mettent en lien ceux qui le font tout en diffusant une propagande anxiogène contre le vaccin ou même contre le Doliprane ( exemple en screen datant de septembre et octobre 2013 ). La boutique s’appelle ” Au Bon Sens”, concept extrêmement populaire dans les sphères intellectuelles fascistes, et fondé sur une interprétation de Bergson qui oppose aux philosophes de la raison comme Kant ou Platon, les théories de l’intuition, de la force vitale et de la révélation mystique par quelques “éveillés” qui ayant la conscience du chemin pour la survie de l’espèce, se dressent contre les “normes sociales”.

(4) Le cas Sylvie Simon est longuement abordé dans ce texte de 2009, où la voyante antivaxx était citée très sérieusement par des sites altermondialistes ainsi que par des leaders syndicaux, de Sud, syndicat qui se montre plutôt présent dans certaines mobilisations antivaxx de cet été. A l’époque, cette diffusion syndicale se traduira ensuite par une diffusion dans les mouvements de chômeurs très actifs, et permettra de happer beaucoup de personnes précarisées dans la mouvance soralienne

(5) Selon le témoignage de Raphaël Viau, globalement l’un des plus fiables sur la vie quotidienne de la mouvance antisémite de l’époque, puisque Viau, bien qu’ayant renoncé à l’antisémitisme, gardera toujours un bon souvenir et une grande admiration pour Drumont, celui-ci était sincèrement convaincu des sornettes amenées par Méry .

Source : texte intégral de ” Vingt ans d’antisémitisme disponible ici

 

(6) D’ailleurs, et cela explique aussi beaucoup de la suite et du crédit accordé à des gourous divers et variés antivaxx et détenteurs du “véritable” remède miracle, les soutiens d’Eric Raoult se situeront aussi dans la droite ” respectable”, notamment au travers de personnalités comme Christian Estrosi, et le président Macron lui même rendra visite, ce qui lui ouvrira les portes de toutes les grandes chaînes d’info. Un an plus tard, les macronistes ont beau jeu de déplorer le conspirationnisme et la crédulité du bas peuple, après l’avoir eux-même alimentée.

(7) La propagande antivaccinale est dans l’ADN des mouvements suprémacistes blancs américains depuis très longtemps. Ainsi toutes les versions françaises de la Bible du suprémacisme contemporain, les Turner Diaries, écrits par un néo-nazi américains en 1978 , récèlent ce passage assez troublant rétrospectivement tant il résume en une page les milliers de discours tenus actuellement

 

PrecairE, antiracistE

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